C'est, d'après trois experts de la Commission européenne, le nombre de jours où les salariées européennes travaillent gratuitement dans l'année. Depuis ce 2 novembre en effet, les Européennes ont (symboliquement) arrêté d'être rémunérées par leur employeur. À compétences et postes égaux, leurs homologues masculins eux, continueront de percevoir une rémunération jusqu'à la fin de l'année 2015.
"Le salaire horaire moyen des femmes en Europe est de 16,3% inférieur à ce qu'il est pour les hommes. De fait, les femmes travaillent 59 jours gratuitement chaque année", note la Commission européenne dans un communiqué daté du 30 octobre.
En France, l'écart de rémunération brute moyenne entre femmes est hommes est certes un peu moins élevé qu'en Europe (15,2% en 2013), mais pas suffisamment glorieux pour qu'il y ait matière à se réjouir. Ils sont même à relativiser.
Selon les chiffres de l'Insee en effet, les Françaises gagnent en moyenne 1 943 euros net par mois à plein-temps, dans le privé ou le public, contre 2 399 euros pour les hommes, soit un écart de... 19%.
C'est, au train où vont les choses, l'année où l'égalité salariale entre femmes et hommes sera enfin atteinte. Ce n'est pas nous qui le disons, mais les commissaires européens qui se sont penchés sur la question. Soit encore deux générations de femmes à être, à poste et compétences égales, moins bien payées que leurs confrères masculins.
Vous trouvez ça injuste ? Ce n'est pas terminé. Selon une étude réalisée en 2013 par l'Université de Denver, c'est aussi (et seulement) à cette date qu'il y aura autant de femmes que d'hommes à accéder aux postes de direction. "Alors que d'énormes progrès ont été faits pour encourager les femmes à briguer des postes traditionnellement occupés par les hommes, nous n'avons pas réalisé de progrès comparables pour encourager les hommes à se tourner vers des postes traditionnellement féminins", déplorait en 2013 Deborah Rhode, Directrice du Stanford Center dans un entretien accordé au Daily Beast. Les deux principales causes invoquées pour expliquer cette discrimination ? La "persistance des réseaux excluant pour les femmes" et les difficultés qu'elles rencontrent pour concilier vie de famille et vie professionnelle.
Les inégalités de rémunération entre femmes et hommes ne concernent pas que les actifs. En moyenne, les retraitées européennes perçoivent une pension de 39% inférieure à celle des hommes. Comment expliquer un écart aussi conséquent ? Selon la Commission européenne, cette discrimination est la conséquence de trois tendances du marché du travail : d'abord, les femmes auraient moins de chances d'être engagées que les hommes et sont donc plus susceptibles d'être au chômage. Ensuite, elles travaillent moins d'heures et/ou d'années que les hommes.
Selon l'Insee, 78,1% des personnes travaillant à temps partiel (entre 15 et 29 heures par semaine) en 2014 sont de femmes. Enfin, évidemment, si le montant de la retraite des femmes européennes est moins élevé, c'est parce qu'elles perçoivent un salaire inférieur à celui des hommes.
C'est en moyenne le nombre de femmes qui n'osent toujours pas négocier leur salaire en entreprise. "Les femmes s'interrogent sur leurs capacités et n'abordent qu'avec difficulté la question de la rémunération qu'elles négocient rarement. Pour les employeurs potentiels, elles sont souvent, et a priori, soupçonnées d'absentéisme et de refus de mobilité", rappelle Annie Batlle, auteure de Les femmes valent-elles moins cher que les hommes ? (Éd. Belin).
Probablement moins audacieuses que les hommes, les femmes sont aussi victimes des stéréotypes de genre qui persistent dans le monde du travail. Alors que les hommes sont vus comme des leaders naturels, doués pour l'action et la négociation, les femmes seraient davantage dans l'écoute et l'empathie...
Selon un sondage sur les stéréotypes de genre réalisé par la DREES, 41 % des personnes interrogées considèrent que pour une femme, la vie professionnelle est moins importante que la famille. 16 % des enquêtés pensent également que les femmes sont "moins intéressées que les hommes" par les postes à responsabilité.
Selon un rapport de l'Organisation internationale du travail (OIT), les femmes de l'Union européenne devraient gagner 0,9% de plus que leurs collègues masculins. La raison ? Les femmes sont en général mieux formées, plus expérimentées et plus productives que leurs homologues masculins. Comme quoi, tout n'est heureusement pas perdu.