On a beau compter les jours qui nous séparent de nos vacances, et trouver l'attente interminable, il semblerait pourtant que cette période de latence procure plus de bonheur... que les vacances elles-mêmes ! Préparatifs, projection, excitation, impatience, voilà qui nous rendrait finalement plus jouasse que la plénitude de ces jours de repos, comme le révèle une étude néerlandaise publiée en 2010 sur Applied Research in Quality of Life. Les auteurs de l'étude avaient alors interrogé plus de 1 500 personnes, dont 974 vacanciers, et découvert que les sondés se sentaient plus heureux avant leurs congés que pendant.
Mais pourquoi, inconsciemment, prenons-nous plus de plaisir à fantasmer sur une eau turquoise que d'y plonger les orteils pour de vrai ? Boire un cocktail au soleil en songe plutôt qu'en vrai ? Les études révèlent que ce processus est tout à fait normal. Choix de la destination, de l'hôtel, du programme : les préparatifs des vacances nous émoustillent et nous rêvons à toutes les choses que l'on va pouvoir faire (y compris "ne rien faire du tout") et aux super moments qui nous attendent. Et même si l'on apprécie nos vacances le moment venu, elles sont souvent moins idylliques qu'on ne l'avait imaginé : l'avion a eu du retard, on a eu un voisin de chambre trop bruyant, notre amie Nadine nous casse un peu les bonbons, on angoisse sur tout le travail qu'on va avoir à rattraper à notre retour... En effet, aussi sympa soit-elle, la réalité est souvent moins parfaite que l'anticipation, ce qui explique que notre taux de bonheur s'en trouve amoindri.
D'ailleurs, d'après d'autres recherches effectuées sur le sujet, les personnes n'étaient pas plus heureuses à leur retour de vacances, hormis une petite poignée de chanceux ayant goûté à une extrême oisiveté et n'ayant été soumis à aucun stress au cours de leur break. De là à dire que les vacances de rêve n'existent pas, non. Mais pensez tout de même à bien savourer tout ça durant les semaines précédant le bouclage de vos valises !
Avant-gardiste, le philosophe du 18e siècle Jean-Jacques Rousseau avait déjà décelé cela à propos du désir déclarant dans son ouvrage "La Nouvelle Héloïse" : "On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère, et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux". Ainsi, lorsque le désir est assouvi, il perd d'un seul coup tout son attrait si bien qu'on se cherche immédiatement un nouvel objet de désir. Si l'on suit ce précepte, pour être pleinement heureux en vacances, il faudrait en profiter pour organiser les préparatifs de nos prochaines vacances... ou bien se mettre en mode "bonheur" dès à présent. D'autant que d'après l'étude conduite pour Applied Research in Quality of Life, cet état de joie peut s'étendre jusqu'à 8 semaines avant le début de vos vacances. Il est donc fort probable que vous soyez en plein kiffe, là, en ce moment, sans même le savoir !