"Plus jamais ça". A Varsovie, Cracovie ou encore Gdansk, de nombreux·se·s Polonais·e·s ont protesté contre la loi anti-avortement entrée en vigueur le 27 janvier, et en hommage de sa première victime, décédée le 22 septembre dernier dans un hôpital de Pszczyna, une petite ville située dans le sud du pays. L'histoire tragique d'Izabel a été rendue publique par son avocate, Me Jolanta Budzowska, sur Twitter.
Âgée de 30 ans, mariée depuis 10 ans et mère d'une petite fille de 9 ans, celle qui exerçait comme coiffeuse était enceinte de 22 semaines lorsqu'elle a été admise aux urgences. Une rupture des membranes avait provoqué la libération du liquide amniotique, et mis en péril sa vie et celle du foetus, qui présentait par ailleurs des malformations.
Si la loi prévoit l'autorisation de l'avortement dans le cas de danger pour la santé de la mère, les médecins ne l'ont pas pratiqué, de peur d'être poursuivis par la justice. Une IVG justifiée par la malformation du foetus est désormais illégale et synonyme d'un risque de 3 ans de prison. Izabel succombera à un choc septique, quelque heures après avoir envoyé un dernier SMS glaçant : "Ma fièvre monte. J'espère que je n'aurai pas de septicémie ou que je ne m'en sortirai pas."
"Les médecins ont peur de pratiquer des avortements en Pologne", lâche le chargé des sujets droits des femmes à Amnesty International Pologne, Miko Czerwinski, auprès de Libération. "Avec la nouvelle loi, ils hésitent davantage avant de recourir à l'IVG. On pourrait leur demander si la santé de la mère était vraiment en danger, et ils seraient poursuivis. Cela a un effet dissuasif".
Un effet dissuasif qui menace directement la santé des femmes. Car "les études l'ont montré : l'interdiction ne permet pas de mettre fin à l'avortement, cela ne fait qu'augmenter les risques pour les femmes", rappelle-t-il. "D'autres femmes mourront comme Izabel si l'avortement n'est pas légalisé en Pologne."
Pour Me Jolanta Buzowska aussi, spécialisée dans les erreurs médicales, c'est bien la législation ultra-restrictive adoptée par le gouvernement qui est responsable de la mort de la jeune femme. "Au lieu de protéger la vie de la femme, les médecins pensent à sauver le foetus. C'est l'effet paralysant de la décision du Tribunal constitutionnel qui est responsable de cette situation", condamne à son tour Kamila Ferenc de l'organisation Federation for Women and Family Planning dans un communiqué.
Pour tenter de faire bouger les choses, elle a intenté une action en justice pour "traitement inhumain" devant la Cour européenne des droits de l'homme, en juillet, précise le journal. De leur côté, plusieurs représentants du parti au pouvoir, le PiS pour Droit et Justice, affirment que la loi anti-avortement n'y est pour rien. "Le fait que les gens meurent relève de la biologie", a même osé le député Marek Suski. De la biologie, ou en l'occurrence, de cet insupportable et meurtrier contrôle opéré sur le corps des femmes.