Société
Le Premier ministre polonais dénonce la "barbarie" des manifestantes pro-avortement
Publié le 28 octobre 2020 à 13:11
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Il est toujours aussi difficile d'être une femme en Pologne. Et pas simplement en période de crise sanitaire mondiale. Aujourd'hui, c'est pour la survie balbutiante du droit à l'avortement qui se battent des milliers de citoyennes.
Les Polonaises manifestent pour le droit à l'avortement le 24 octobre 2020 Les Polonaises manifestent pour le droit à l'avortement le 24 octobre 2020© Abaca
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Cela fait déjà plusieurs jours que des milliers de manifestantes investissent plusieurs villes de Pologne, comme la Varsovie. Contre quoi protestent-elles ? Contre une décision de justice particulièrement régressive du Tribunal constitutionnel polonais, visant à interdire l'avortement, même en cas de "malformation grave du foetus". Celles-ci s'indignent dans les rues, des slogans à la bouche et sur leurs pancartes, relayés par Le Monde : "Nous voulons avoir la choix" et "Vous avez du sang sur les mains".

Cette décision est largement soutenue par Droit et justice, le parti ultra-catholique nationaliste au pouvoir. Ce qui est en jeu ici, c'est l'interdiction quasi totale de l'IVG, qui ne serait désormais plus possible qu'en cas de danger de mort, ou de grossesse résultant d'un viol. Mais cette réalité ne semble pas choquer le Premier ministre du pays, Mateusz Morawiecki. Bien au contraire même : ce 27 octobre, celui-ci aurait défendu cette mesure du Tribunal en fustigeant "la barbarie" dont seraient coupables les milliers de manifestantes pro-IVG qui crient leur colère.

Comme le relate la RTBF, le chef du gouvernement aurait carrément exigé la fin de ces protestations populaires, dénonçant "les actes d'agression et de vandalisme inacceptables" qu'elles engendreraient selon lui. Mateusz Morawiecki évoque notamment des outrages qui seraient faits "contre les églises". Une manière comme une autre de suggérer que le droit à l'avortement serait une transgression anti-constitutionnelle.

Le droit à l'IVG, un combat de tous les instants
Le Premier ministre de la Pologne et sa sensibilité anti-progressiste. © Abaca

"Nous n'acceptons pas les attaques contre ce qui est sacré. Tous ceux pour qui le bien de la République de Pologne est une valeur devraient essayer de calmer la situation aujourd'hui", a ajouté Mateusz Morawiecki. Ce n'est pas la première fois que Morawiecki revendique sa véhémence contre ce qu'il juge "hérétique" ou trop laxiste. L'an dernier déjà, un parti féministe, Wiosna, s'opposait à sa vision ouvertement réac en exigeant une libéralisation de l'avortement. Une proposition nécessaire, dans un pays où plus de 150 000 IVG seraient pratiquées chaque année à l'étranger, les Polonaises craignant les représailles, comme le rappelle France 24.

Ne vous fiez donc pas aux chiffres officiels des avortements effectués en Pologne (2000 par an en moyenne) : ce n'est que l'arbre qui la forêt. Et la forêt risque de s'enflammer avec cette réécriture des plus angoissantes de la loi de 1993 (autorisant l'IVG en cas de malformation grave du foetus) déjà peu "généreuse" envers les citoyennes.

Des citoyennes qui refusent de se taire. Manifestations et performances se poursuivent en ce sens : certaines voix indignées ont même suspendus des vêtements sombres dans les parcs, en signe de protestation. Les parcs et les rues sont donc investis, mais aussi les églises catholiques, comme le relève l'AFP. Dans ces lieux "sacrés" loués par leur Premier ministre, les Polonaises scandent des mots d'ordre : "Nous en avons assez !", "Barbares !". De son côté, le chef du Parti populaire européen et ancien Premier ministre polonais Donald Tusk ne cache pas son indignation. "Cette décision de ce pseudo-tribunal en plein milieu de la tempête pandémique c'est plus que du cynisme. C'est de la crapulerie politique", a-t-il décoché sans détour.

Une crapulerie qui nous rappelle qu'en temps de crise, les droits des femmes sont plus que jamais menacés.

 

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