"On a le droit d'être contre le voile, ça, je le comprends. Mais il y a une grande différence entre être contre le voile et s'attaquer à une femme voilée". Ils coulent de source, ces mots de l'écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani. Sur le plateau de l'émission C Politique sur France 5, la lauréate du prix Goncourt 2016 a déployé un discours salutaire au sujet des départs de certain·e·s député·e·s de l'Assemblée nationale suite à l'intervention de Maryam Pougetoux, représentante de l'Unef et étudiante syndicaliste voilée. C'est ce voile qui a suscité l'indignation.
Et l'autrice de poursuivre : "Faire ça, c'est faire la même chose que s'attaquer à une femme qui montre ses cheveux en lui disant qu'elle est une prostituée. C'est réduire la femme à ce qu'elle a ou pas sur la tête". Une prise de parole profondément féministe donc, à l'égard de celles qui bien souvent sont exclues de la cause.
Comme le rappelle effectivement l'autrice Lauren Bastide dans son ouvrage-manifeste Présentes, les femmes voilées sont encore "invisibles" au sein des mouvements militants, et diabolisées au quotidien. Anonymes, elles sont considérées comme l'inverse d'une "bonne féminité", c'est-à-dire d'une "féminité républicaine, séculière, citoyenne, qui s'oppose à la féminité valorisée au niveau religieux", selon les mots de l'activiste féministe musulmane Hanane Karimi.
Instrumentalisation politicienne désormais fustigée par Leila Slimani. Sur le même ton - cinglant et limpide - la romancière s'en prend effectivement à tous ceux et celles qui à l'heure d'une islamophobie banalisée "veulent nous faire vivre dans un monde de silhouettes, pas avec des hommes et des femmes" et passent leur temps d'antenne à "humilier les gens". Inutile de chercher bien loin pour accoler des images à ces percutants propos.
Non, il suffit d'en revenir aux bancs de l'Assemblée nationale (encore, oui oui), l'an dernier. En octobre 2019, précisément. Sollicitée en tant qu'accompagnatrice, Fatima, une mère de famille voilée, avait été violemment interpellée par Julien Odoul, un élu du Rassemblement National exigeant le retrait de son voile "au nom des principes républicains". Accompagnée de son enfant, elle avait été publiquement humiliée par le politicien en raison de sa "provocation islamiste" (sic).
"J'avais les larmes qui commençaient à monter. Quand j'ai vu mon fils en train de craquer, j'ai su que je ne pourrai plus rester. Je tremblais de la tête aux pieds et je me sentais en train de tomber. J'étais là sans être là. La seule chose que j'ai vue, c'était la détresse des enfants. Ils étaient choqués et traumatisés", témoignera-t-elle ensuite. C'est à cette stigmatisation globale que se réfère l'écrivaine lorsqu'elle parle sur le plateau de France 5 d'un soi disant "idéal" démocratique qui "méprise [les gens], leur dit qu'on ne les reconnaît pas comme citoyen et qu'on ne veut faire pas société avec eux". Un constat on ne peut plus d'actualité donc.
Dans C Politique, Leila Slimani tacle encore l'opportunisme des chevaliers blancs qui portent leur discours de division "en invoquant le féminisme, alors que le féminisme est un humanisme, ce n'est pas de manquer de respect aux gens". A l'inverse, elle en appelle a "plus d'intelligence, de compréhension". Régulièrement, les droits des femmes sont volontiers abordés par les voix politiciennes les plus "extrêmes" pour porter atteinte aux femmes voilées, ce qui "fait honte" à l'écrivaine. Autre instrumentalisation encore une fois...