Suivie par un million de followers, l'influenceuse rouennaise Poupette Kenza (de son vrai nom Kenza Benchrif) est au coeur d'une enquête pénale ouverte par le parquet de Rouen, après avoir fait l'objet de plusieurs signalements. La jeune femme de 22 ans est suspectée de maltraitance envers ses deux enfants en bas âge.
Elle a déjà été entendue au commissariat, suspectée de "soustraction d'un enfant mineur sans motif légitime à ses obligations légales compromettant sa santé, sécurité, moralité ou son éducation", comme le révèle actu.fr. Selon le site, plusieurs signalements auraient été effectués contre l'influenceuse concernant la façon dont elle s'occuperait de ses enfants, et notamment de son fils d'un an et demi.
L'un de ses garçons, nés en mai 2022, souffrirait notamment d'une blessure à la tête, et a hospitalisé à cause de ces blessures. C'est suite à cette hospitalisation que la jeune femme aurait été placée en garde à vue le 19 février dernier avant d'être relâchée. Poupette Kenza a démenti ses accusations dans l'émission Touche pas à mon poste le 20 février.
Elle y a notamment déploré : "Je suis enfermée dans ma chambre depuis plusieurs jours, je ne regarde plus les réseaux ou ce qui se passe autour de moi. Je suis accusée de choses tellement dramatiques...".
Une affaire qui cristallise de nombreux enjeux.
Effectivement, il s'agirait d'une affaire symptomatique à bien des égards. Poupette Kenza a pour habitude de relater son quotidien ainsi que celui de ses enfants sur les réseaux sociaux, très régulièrement, comme beaucoup d'influenceuses. Elle y a même fait part de l'hospitalisation de son enfant. "Après une journée de stress, des invocations, le médecin vient de passer en chambre il y a juste une minute. J'étais obligée de m'empresser de vous donner des nouvelles pour ne pas vous inquiéter plus que ça. Les résultats de L'IRM sont très positifs. Votre petit-neveu, mon fils, mon guerrier, mon roi est sorti d'affaire", détaillait-elle.
Certaines voix expertes perçoivent de fait les signalements dont elle a fait l'objet comme le résultat d'une surmédiatisation excessive. C'est le cas de la spécialiste du marketing d'influence Myriam Roche, qui décrypte auprès du Huff Post : "Elle est l'un des comptes les plus suivis en France sur Snapchat. Elle montre tout son quotidien. Sa communauté s'est habituée à cette omniprésence et lui en demande toujours davantage. Si elle ne donne pas de nouvelles pendant une heure, elle reçoit des centaines de messages", explique l'experte.
"Parfois, elle se filme en train de donner un code promo alors que sa fille pleure. Dans une autre vidéo, on la voit marcher maladroitement sur la main de sa fille. Cela alimente les commentaires haineux, qui s'appliquent à mettre en avant ce qu'elle fait de mal".
A ce propos, l'influenceuse se défend dans l'émission de Cyril Hanouna en parlant de "vidéos partagées hors contexte" et évoque de la "diffamation". "En tant que maman bienveillante je ne suis pas une maman parfaite. Je suis une maman qui a fait des erreurs mais je n'ai jamais eu de maltraitances envers mes enfants, je n'ai eu de négligences apparentes envers mes enfants. C'est tellement injuste", poursuit-elle.
Par-delà le rapport des influenceuses à leur communauté, au cyberharcèlement et au partage de leur quotidien, cette affaire renvoie également à la médiatisation des enfants par ces dernières. "Kenza, dès le départ, a fait le choix de montrer ses enfants, parce que ça lui permettait d'avoir accès à certains partenariats. Elle a habitué sa communauté à les voir et c'est compliqué de faire marche arrière aujourd'hui. Elle n'hésite à les mettre en scène pour tester des produits", observe Myriam Roche. Epineux alors que cet enjeu-là est de plus en plus discuté.
Selon une étude de l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique, 1,1 % des parents français d'enfants de moins de 16 ans seraient effectivement "influenceurs" aujourd'hui, par le biais des publications de leurs parents. Tant et si bien qu'en janvier dernier, le député Renaissance Bruno Studer avait exprimé son souhait de faire passer une loi visant à protéger le "droit à l'image" des plus jeunes en introduisant la notion de vie privée dans la définition-même de l'autorité parentale intégrée au Code Civil. Mesure qui prendrait même en considération le partage sur les réseaux sociaux des photos de ses enfants par des parents non-influenceurs.
Un enjeu qui a déjà fait l'objet d'une proposition de loi sur les "enfants influenceurs de moins de seize ans" visant à empêcher leur exposition abusive. Le travail des enfants influenceurs est au coeur de la loi n°2020-1966 du 19 Octobre 2020, laquelle oblige à faire une demande d'agrément au préalable auprès de la direction du travail pour tout travail desdits influenceurs sur les réseaux sociaux, mais aussi la consignation des revenus générés à la Caisse des Dépôts jusqu'à la majorité des enfants, revenus qui ne pourront être perçus par une personne tiers. En outre, elle impose un droit à l'effacement : les enfants peuvent demander le retrait de leur contenu au réseau social de leur choix.
Aux yeux de la loi, ce sont les représentants légaux de l'enfant travailleur qui sont responsables du bien-être de ce dernier. Une réalité qui suscite de nombreuses interrogations concernant la place de l'éthique dans la médiatisation des enfants par les parents influenceurs.