Par-delà les publications des "enfants influenceurs", produisant du contenu sur des comptes directement alimentés par leurs parents sur des plateformes comme Instagram et TikTok, qui n'a jamais vu un parent "lambda", un ami, une connaissance, partager publiquement sur les réseaux sociaux des photos de ses enfants ? Des enfants parfois très jeunes et peu à même d'accorder leur consentement concernant cette pratique.
Et c'est justement ce sur quoi a décidé d'alerter aujourd'hui le député Renaissance Bruno Studer, alors qu'il est interdit aux enfants de moins de 13 ans de créer leur propre compte. L'élu souhaite effectivement faire passer une loi visant à encadrer ce phénomène beaucoup trop banalisé. L'idée du parlementaire ? Protéger le "droit à l'image" des plus jeunes en introduisant la notion de vie privée dans la définition-même de l'autorité parentale intégrée au Code Civil.
Mais également, inscrire dans la loi une association directe entre l'exercice du droit à l'image de l'enfant mineur et un "accord commun" entre les deux parents. Accord qui engendrerait en cas de désaccord la possibilité d'interdire à l'un des parents "de publier ou diffuser tout contenu sans l'autorisation de l'autre parent".
Pourquoi agir ? Car cette pratique est bien trop systématique sur les réseaux sociaux. Le député Bruno Studer s'alarme à ce titre dans sa proposition : "Un enfant, en moyenne, apparaît sur 1300 photographies publiées en ligne avant l'âge de ses 13 ans, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches".
"Même s'il ne s'agit pas de tout dramatiser, il faut avoir conscience de ce qui peut arriver à une photo quand on la poste, notamment quand on met en scène un enfant. Les enfants grandissent et peuvent être la cible de harcèlement au fur et à mesure de leur parcours scolaire. Et que dire si la matière première du harcèlement, ce sont des photos ou des vidéos prises et publiée par la famille elle-même", développe encore le député dans son texte.
Selon le parlementaire, les photos, récentes ou non, des enfants, peuvent être exploitées par les harceleurs. Un motif important alors que l'enjeu de la lutte contre le harcèlement scolaire est d'autant plus revenu au coeur des débats publics ces dernières semaines après le suicide du jeune Lucas.
Directeur de l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation nationale, Thomas Rohmer partage un autre motif d'alerte du côté de BFM TV : "Sur internet, il y a un certain nombre de personnes qui ne sont pas forcément des gens très fréquentables et qui peuvent très bien exploiter ces contenus à des fins de pédopornographie".
Un sujet très important donc, sur lequel s'était également gravement exprimée la Défenseure des droits Claire Hedon en 2022 en appelant notamment au respect de la vie privée des enfants : "Le droit à la vie privée n'est pas réservé aux adultes mais vaut aussi pour les enfants. Il y a un droit de l'enfant à la protection contre toutes les formes d'immixtion arbitraires ou illégales dans sa vie privée, à son domicile, dans sa correspondance, ou contre les atteintes à son honneur, à sa réputation", avait déclaré la Défenseure.
Le texte de Bruno Studer pourrait être soumis au vote de l'Assemblée nationale à la mi-mars 2023.