"Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Il n'y a pas de mots". C'est très ému que le ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye a évoqué au Sénat ce mercredi 18 janvier le suicide de Lucas. Ce jeune collégien de 13 ans a mis fin à ces jours au domicile familial de Golbey, dans les Vosges, le 7 janvier dernier. Un drame qui aurait été la conséquence d'un harcèlement scolaire virulent notamment constitué d'insultes homophobes.
Face à cette tragédie qui a bouleversé la France entière, Pap Ndiaye a donc rappelé aux sénateurs l'engagement du gouvernement dans la lutte contre le harcèlement scolaire et l'homophobie, qui serait, selon lui, "une priorité". Et a eu du mal à retenir ses larmes en déclarant : "Quand un enfant met fin à ses jours, il n'y a pas de mots pour dire l'émotion, le chagrin, la douleur, il n'y a pas de mots. J'adresse mes pensées les plus émues à ses parents, à ses proches, à ses amis".
Des paroles et des sanglots dans la voix ont fait réagir. "Des mots justes, merci Pap Ndiaye . Espérons que l'action soit aussi puissante que l'émotion exprimée ici", "Respect Mr Ndiaye et merci pour votre empathie et humanité", "Monsieur le Ministre, je suis aussi émue que vous. Ne laissez pas des familles en détresse. Nous devons apporter des solutions aux familles", ont réagi les internautes face à cette séquence très commentée diffusée par Public Sénat.
D'autres cependant ont privilégié une approche critique : "Trop facile de pleurer après le drame. Quand on a un enfant victime d'harcèlement on est peu écouté et c'est un parcours du combattant pour que des mesures soit prises. Et ca c'est de votre responsabilité monsieur le ministre de l'éducation nationale", peut-on lire.
Toujours est-il que si ces larmes ont suscité le débat, c'est qu'elles semblent assez rares dans le paysage politique. Notamment de la part des leaders. Dans l'imaginaire populaire, l'autorité masculine a plutôt tendance à se dissocier des émotions. Les séquences qui contredisent cette assertion ne sont pas courantes, mais elles existent : on pense à l'émotion du président américain Barack Obama lors de son discours sur le contrôle des armes à feu le 5 janvier 2016. Une voix brisée et des larmes réagissant à une situation globale (les tueries de masse aux Etats-Unis), mais exprimant quelque chose sur le plan individuel : son empathie, son humanité.
Des images fortes qui viennent contrebalancer une certaine construction de la virilité, selon laquelle les garçons ne doivent pas pleurer. On connaît la chanson. Ce sont les mêmes larmes qu'affiche Pap Ndiaye en évoquant le harcèlement à l'école et l'homophobie. Et ce à l'heure où la politique semble replacer sur le devant de la scène cette qualité empathique : en témoigne le discours de départ de la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern, appelant son peuple à être "bienveillant mais fort, plein d'empathie mais décisif".
Une "humanisation" dans l'air du temps donc, qui semble répondre à une vision lointaine et désincarnée du politique.