"Je n'ai tout simplement plus assez d'énergie pour quatre ans supplémentaires". Ce 19 janvier, la Première ministre néo-zélandaise travailliste Jacinda Ardern a annoncé sa démission. Et ce, après cinq ans et demi à son poste de cheffe du gouvernement. Une nouvelle qui a surpris ce 19 janvier.
C'est la fin d'un parcours largement salué à l'international. Parcours exemplaire, notamment marqué par sa gestion impeccable de la crise du Covid. En mars 2020, celle qui fut la plus jeune Première ministre de son pays affirmait déjà à ses citoyens : "Restez à la maison pour sauver des vies". Un confinement national avait été mis en place dès le 23 mars, dans le respect des recommandations expertes des épidémiologistes. Multipliant les vidéos en direct avec ses concitoyens, Jacinda Ardern dénotait notamment en se refusant à employer le ton paternaliste, belliciste et alarmiste de certains dirigeants. D'autant plus précieux à une époque où Donald Trump était encore le leader le plus puissant au monde.
La dirigeante était également estimée pour ses convictions progressistes et son empathie. Lors de son premier mandat, elle avait initié en compagnie d'autres dirigeantes, comme la Première ministre islandaise et la Première ministre norvégienne, l'Accord sur le changement climatique, le commerce international et la durabilité. Jacinda Ardern avait également autorisé la légalisation du droit à l'avortement en mars 2020.
En 2018, elle avait réagi à un drame terrible, l'attaque terroriste d'un suprémaciste blanc commise envers deux mosquées à Christchurch, tuant 51 personnes, en présentant ses condoléances aux familles musulmanes, vêtue d'un foulard. Son empathie et son discours avaient marqué les esprits : elle avait fermement condamné "l'idéologie de personnes qui n'ont pas leur place en Nouvelle-Zélande, et en fait n'ont leur place nulle part dans le monde".
Deuxième dirigeante au monde à avoir accouché pendant son mandat (après l'ancienne Première ministre pakistanaise Benazir Bhutto), elle avait beaucoup contribué à bousculer la vision des leadeures en emmenant avec elle sa fille de trois mois, Neve, à la tribune des Nations Unies, en 2018, déclarant : "J'ai envie de normaliser ça. En étant plus ouverte, cela pourrait créer un chemin pour d'autres femmes".
Féministe convaincue, Jacinda Ardern n'aura eu de cesse de s'élever contre le sexisme et de défendre la place des femmes en politique. "L'une des critiques auxquelles j'ai dû faire face au fil des ans est que je ne suis pas assez agressive ou assertive, ou que, d'une certaine manière, le fait que je sois empathique signifie que je suis faible. Je m'oppose totalement contre cela. Je refuse de croire qu'on ne peut pas être à la fois compatissante et forte", a-t-elle ainsi souligné dans son discours de démission.
"Je suis humaine. Nous donnons autant que nous le pouvons et aussi longtemps que nous le pouvons, et puis c'est le moment. Et pour moi, ce moment est arrivé", a argumenté la Première ministre néo-zélandaise pour expliquer sa démission ce 19 janvier. "J'espère que je laisse les Néo-Zélandais avec la conviction que vous pouvez être bienveillant mais fort, plein d'empathie mais décisif, optimiste et déterminé".
Jacinda Ardern a donc décidé de quitter le pouvoir pour préserver sa santé mentale et physique, sachant qu'elle ne se sentait plus à la hauteur pour ses responsabilités. Une chose qui n'est pas commune dans la sphère politique, et plus encore de la part des dirigeants et dirigeantes. Ce faisant, la Première ministre met à l'honneur ce qu'elle avait volontiers privilégié dans sa gestion de la crise du Covid, notamment en échangeant en compagnie de psychologues dans ses "lives" réguliers sur les réseaux sociaux : une certaine "éthique du care".
Autrement dit ? Une valorisation du soin, de l'attention portée à soi et à l'autre. Une prise en considération de la vulnérabilité également, et des enjeux de santé mentale, dans ses discours mais aussi ses actions. Des enjeux qui ne sont pas simplement individuels, relatifs à la vie intime, mais collectifs, et profondément politiques. C'est ce que démontre Jacinda Ardern en démissionnant. Son départ effectif prendra effet le 7 février.