Le 6 janvier dernier s'est ouvert le procès d'Harvey Weinstein, à New York. L'homme accusé de harcèlement et d'agression sexuelle par plus de 80 femmes, dont les actrices Léa Seydoux, Asia Argento ou encore Rose McGowan, n'y est jugé que pour deux crimes qui auraient eu lieu à Manhattan. Un viol présumé sur une jeune actrice, Jessica Mann, en 2013, et un cunnilingus forcé sur une ancienne assistante de production, Mimi Haleyi, en 2006.
Comme le rappelle Ouest-France, la notion de consentement y est plus floue que dans d'autres procès similaires. La raison : les deux femmes admettent avoir eu au moins un rapport consenti après les faits, ainsi qu'une relation intime de plusieurs années pour Jessica Mann. Une situation que Barbara Ziv, une psychiatre interrogée par l'accusation, assure cependant fréquente - les victimes d'agressions sexuelles garderaient souvent des relations avec leur agresseur.
La défense, incarnée notamment par l'avocate Donna Rotunno, continue toutefois de garantir que tous les rapports pour lesquels Harvey Weinstein a été accusé étaient consentis. C'est d'ailleurs en ce sens qu'elle a appelé à témoigner deux femmes : Talita Maia, colocataire et ex-amie de Jessica Mann qui aurait attendu devant la porte de la chambre pendant le viol présumé. Et Claudia Salinas, qui, quant à elle, aurait fermé à clé la porte de la salle de bain lors de l'agression supposée de Lauren Young (une jeune mannequin dont Weinstein aurait attrapé les seins pendant qu'il se masturbait devant elle, à Beverly Hills, en 2013).
A son arrivée à la barre, Talita Maia a adressé un sourire à Harvey Weinstein, avant de répondre aux questions de la défense, indique Vulture. Elle explique que les deux jeunes femmes ont rencontré l'ancien producteur ensemble, lors d'une soirée à Hollywood. Talita aurait été abordée la première, avant de présenter son amie. En comprenant à qui elle avait affaire (le succès de l'homme le précédait) la témoin se serait alors exclamée : "Voilà pourquoi tout le monde est si gentil avec vous". Jessica Mann aurait, quant à elle, "passé son bras autour d'Harvey Weinstein et pincé ses joues, avant de dire : 'Non, c'est parce qu'il est si mignon'".
Selon ses dires, la plaignante et l'accusé auraient entretenu une relation amicale. Et si elle était bien montée avec Jessica Mann et Harvey Weinstein dans la suite le soir de l'agression, puis aurait regardé la télé pendant qu'il et elle se seraient enfermés dans une chambre, elle assure cependant qu'en sortant, Jessica Mann "avait l'air normal". "Elle a dit à plusieurs reprises qu'il était comme son âme soeur spirituelle", ajoute-t-elle (Jessica Mann expliquera, en pleurs, avoir eu une relation "dégradante" et "compliquée" avec le producteur).
Lors de l'interrogatoire de l'accusation, Talita Maia confie cependant avoir été blessée par l'actrice : "Jessica a fait des choses dans ma vie qui ont eu un impact très négatif, terrible, et j'aimerais ne pas avoir eu à vivre cela. Mais je ne la hais pas". Des tensions qui l'auraient influencée dans son récit ?
Claudia Salinas, elle, répond d'abord brièvement aux questions de Damon Cheronis, avocat de Weinstein. "Avez-vous déjà vu Harvey Weinstein sortir nu d'une salle de bain ?", demande-t-il. "Non." "L'avez-vous déjà vu nu, quelles que soient les circonstances ?". "Non, jamais." "Avez-vous déjà enfermé Lauren Young dans une salle de bain avec Harvey Weinstein ?". "Non."
Au tour de la procureure Meghan Hast de s'entretenir avec la témoin. Elle tente de saper sa crédibilité, en soulignant que ses réponses ne correspondent pas à ce qu'elle a dit précédemment aux enquêteurs. "Je me souviens juste que nous nous sommes rencontrés", déclare Claudia Salinas. "Je ne me souviens pas des détails. Je me souviens que nous nous sommes rencontrés pour boire un verre." La magistrate poursuit en citant un commentaire : "Ça aurait pu arriver", aurait-elle dit aux enquêteurs en parlant de l'agression envers Lauren Young. Claudia Salinas finit par répondre que "cela aurait pu arriver" mais que cela ne signifiait pas qu'elle était présente. Par la suite, elle assurera à Associated Press qu'elle n'aurait "en aucune circonstance, été impliquée dans une affaire d'agression sur un être humain. Cette accusation est une attaque vicieuse qui nuit à ma réputation".
De son côté, Arnaud Leparmentier, correspondant du Monde à New York, a qualifié le témoignage des victimes "tragique et cohérent". "Viscéralement, il est difficile de mettre en doute la sincérité des plaignantes et de ne pas croire aux sévices qu'elles disent avoir subis", écrit le journaliste, soulignant que la stratégie de la défense reste de montrer que ces femmes étaient en réalité des opportunistes. Et donc de semer le doute parmi les juré·es.
La défense avait laissé planer le doute : Harvey Weinstein ne témoignera finalement pas à la barre. Celui qui voulait raconter son histoire depuis longtemps
, selon son porte-parole Juda Engelmayer, s'est ravisé, n'étant pas dans l'obligation de s'y présenter dans le droit américain. "M. Weinstein était prêt, désireux et avait même très envie de témoigner", ajoute Arthur Aidala, l'un de ses avocats, ce mardi 11 février à la sortie du tribunal de Manhattan. Mais l'équipe n'a pas jugé utile sa prise de parole, assurant que "les procureurs ont misérablement échoué à prouver leur dossier au-delà d'un doute raisonnable".
Les dépositions sont donc finies : au tour des plaidoiries finales et des délibérations du jury, qui pourraient prendre un certain temps. Harvey Weinstein encourt notamment la perpétuité pour les crimes supposément commis sur Jessica Mann. Le jour de l'ouverture du procès new-yorkais, l'ancien producteur a été à nouveau inculpé pour deux agressions sexuelles à Los Angeles. S'il y est condamné, il risque 28 ans de prison.