"Je gère !" Deux mots qui résonnent tout au long de la vidéo, elle-même composée comme une descente aux enfers dont l'héroïne n'aurait pas tout de suite conscience.
D'abord, on la voit en boîte, en train de danser. Celui qui semble être son petit ami lui murmure quelque chose à l'oreille, et pointe en direction d'un homme plus âgé assis sur un canapé. Quelques secondes plus tard, l'ado sort une liasse de billets devant ses ami·es étonné·es. "Regardez les gars comme je gère !".
On passe dans une salle de bain d'hôtel alors qu'elle se maquille, son copain la prévient qu'elle aura "un autre rendez-vous à 17 heures". Une autre passe, peut-on traduire.
Plus les images défilent, plus le cauchemar s'intensifie. A la prostitution s'ajoutent l'isolement et les violences conjugales du proxénète quand il n'est pas satisfait par le montant que lui transmet la jeune fille. Jusqu'à ce qu'il la pousse hors de son véhicule.
"Aujourd'hui en France, des milliers d'adolescents sont victimes de prostitution", conclut le Ministère des Solidarités et de la Santé. "Nous sommes là pour vous aider, appelez le 119". Un message qui s'adresse directement aux premier·es concerné·es.
Les chiffres sont vertigineux. D'après les associations, entre 7 000 et 10 000 ados échangeraient des services sexuels contre de l'argent en France. Parmi elles et eux, 85 % sont de nationalité française et 88 % seraient des filles âgées de 14 à 17 ans, révèle un rapport récent du Centre de Victimologie pour Mineurs.
"Cela reste très approximatif et probablement en deçà de la réalité", admet toutefois le gouvernement. Un fléau "d'émergence récente" qui a d'ailleurs "explosé" ces dernières années, précise le secrétaire d'État chargé de l'Enfance et des Familles, Adrien Taquet, à l'AFP. Le CVM parle d'une hausse de 68 %. En cause notamment, les réseaux sociaux qui contribuent à faciliter la mise en relation avec les clients.
Pour y faire face, le politique a présenté un plan de lutte d'un budget de 14 millions d'euros. Et cette vidéo diffusée à la télévision et en ligne en fait partie. "On est loin du cliché des jeunes Nigérianes que des réseaux internationaux amènent sur les trottoirs, même si ça existe aussi", développe Adrien Taquet. "Des gamines font des fellations dans les toilettes du collège pour 10 euros, et elles ne voient pas où est le problème !"
A cette campagne s'ajoute "évidemment un travail de fond à mener pour sensibiliser les jeunes à l'école, et pour former les professionnels, dans les commissariats ou les foyers de l'Aide sociale à l'enfance", poursuit-il. Et un accompagnement des parents, qui oscillent entre "culpabilité, colère, incompréhension et impuissance".