Car aussi différents soient-ils, ces programmes relèvent bel et bien d’un même concept. Et face au succès et à la multiplicité de ces derniers, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a souhaité en définir les contours… en vain. « Il s’agissait d’un dialogue pour cerner la téléréalité », explique Françoise Laborde, membre du CSA et coprésidente de la commission de réflexion sur le sujet. Mais à l’issue d’une année de travail, de discussions et d’échanges avec des sociétés de production, des syndicats de producteurs, des groupes audiovisuels ou des associations de familles, il ressort « que les émissions de téléréalité ne constituent pas un genre en soi mais qu’elles relèvent des genres de programmes existants (concours de talents, émissions d’enfermement, magazines de coaching, de rencontre, etc.). Le genre téléréalité n’existe pas, il existe seulement des émissions dites de téléréalité. » Impossible donc de définir un genre unique. Et pour cause, les sages ont recensé pas moins de 120 types de téléréalité.
Une relation amour-haine qui n’étonne pas le directeur du Ceisme (Centre d’Etudes sur les Images et les Sons Médiatiques), François Jost. Il estime que les candidats de ces émissions sont bien plus proches du téléspectateur que celui-ci ne veut bien l’avouer. « Nous nous mesurons constamment à ce que nous voyons à l’écran, analyse-t-il. Ce que l’on aime dans Secret Story, ce sont à la fois tous ces ragots, ces manipulations et aussi la moquerie. C’est trop bon de rire de la bêtise des candidats. La téléréalité met en avant nos mauvais côtés et un certain nombre de pulsions plus ou moins avouables ». Un point de vue partagé par le philosophe Damien Le Guay, auteur de « L’Empire de la téléréalité ». Selon lui, ces programmes reflèteraient nos comportements et, pire, les conditionneraient.
Aussi, alors que les jeunes de 14 à 25 ans se révèlent particulièrement friands de ces formats, Michaël Stora, auteur de « Les Ecrans, ça rend accros », met en garde. « La téléréalité propose un modèle de réussite infantile. Elle met en scène la capacité de jeunes à advenir et à réussir en écrasant les autres, comme s’il n’existait aucun autre moyen d’imposer son point de vue. » Des valeurs à l’exact opposé de celles véhiculées par la famille, la société et l’école dans son ensemble. Dans ce cadre, le CSA veille donc au grain. Séquence à caractère humiliant, propos injurieux, traitement avilissant et dégradant, banalisation de conflits : l’autorité rappelle régulièrement à l’ordre des chaînes diffusant des émissions d’enfermement, notamment, et qui auraient dépassé une certaine limite morale.
Ces programmes seraient donc en passe de perdre ce qui constituait leur ADN : la réalité ? Peu importe car d’autres formats ont déjà pris la relève. En septembre dernier, « baby-boom » a ainsi fait un véritable carton sur TF1 en proposant aux téléspectateurs de découvrir l’envers d’une maternité, tandis que M6 confirmait, pour sa sixième saison, le succès de « L’Amour est dans le Pré». A ces programmes s’ajoutent également ceux en préparation, comme la « Star Academy » qui devrait, en 2012, faire un retour remarqué sur NRJ 12, une chaîne de la TNT. Adulée ou critiquée, la téléréalité semble donc encore avoir de beaux jours devant elle, pour le plus grand bonheur des téléspectateurs et des chaînes.
Crédit photo : © ALP / A.Issock/TF1
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