Coucher en soirée avec la femme la plus grosse, et ce suite à un pari, cela existe, et pire encore, cela perdure. Cette pratique abjecte s'intitule le "hogging" et se perpétue sur les campus américains. Pas la peine d'être un fin sociologue pour saisir la teneur sexiste et grossophobe de la chose.
Le simple terme, traduisible par "s'accaparer", résume bien la chose : le hogging, symbole comme un autre de l'ambiance viriliste des boys clubs et fraternités américaines d'étudiants, réduit la femme à un objet, en plus de fétichiser les femmes grosses. Il s'agit de "s'approprier" une femme, comme un challenge ou une compétition, dégradant et humiliant.
Un "pari" qui indigne de plus en plus.
Le hogging en dit long sur la masculinité toxique : les femmes sont perçues comme des trophées qu'il faudrait remporter à tout prix, la sexualité comme un sport où il s'agit de multiplier les conquêtes pour faire état de sa virilité triomphante, et les femmes grosses constamment sexualisées et rabaissées. Le tout sous couvert d'un pseudo ludisme qui n'a pour réelle raison d'être que d'appuyer la domination masculine.
"Aux Etats-Unis, la masculinité dominante est enracinée dans des valeurs patriarcales telles que le contrôle, le pouvoir, la compétition, l'agression, la dévalorisation de l'attachement émotionnel et, surtout, l'oppression des femmes. La clé de la masculinité dominante est le pouvoir, que ce soit par rapport aux autres hommes ou femmes", observent en ce sens les sociologues américaines Ariane Prohaska et Jeannine A. Gailey dans leur étude dédiée au sujet, citées par le magazine belge La Libre.
Et les expertes de poursuivre sur le même ton : "Si le but est d'avoir le plus de conquêtes possible, les hommes peuvent alors rechercher des femmes qui ne leur plaisent pas physiquement mais qu'ils jugent moins susceptibles de résister à leurs avances. Dénigrer les femmes perçues comme grosses fournit aux hommes un groupe commun de personnes à rabaisser".
Vous l'aurez compris, le hogging aligne entre les lignes les préjugés et fantasmes les plus rances, au service d'une oppression patriarcale décomplexée.
Tant et si bien que de plus en plus nombreuses sont les paroles à se libérer pour dénoncer ce système. Sur TikTok notamment, le site le plus visité en 2021. C'est notamment la créatrice de contenus et militante body positive Megan Mapes qui a épinglé ce "pari" abject l'espace d'une vidéo visionnée plus d'un million de fois.
"Le hogging est une pratique qui renforce la masculinité, perpétuée par des hommes qui perçoivent les femmes obèses comme des cibles faciles. Les hommes qui disent ignorer que cette pratique existe ont besoin d'être informés, savoir que ça existe", dénonce-t-elle publiquement.
D'autant plus car par-delà ce que le hogging raconte sur le mythe de la virilité, ce qu'il implique est multiple. Comme l'énonce Slate, cette pratique induit régulièrement des faits des harcèlement groupé et de violences sexuelles. D'où l'importance de libérer la parole à ce sujet, et vite.
Car le hogging n'a (vraiment) que trop duré. Tel que le détaille le magazine en ligne Buzzfeed, cela fait presque deux décennies déjà que le terme figure dans le célèbre dictionnaire en ligne Urban Dictionnary, et perdure aussi bien dans les fêtes entre étudiants (ou "parties") que dans les bars outre-atlantique. Il est grand temps de tirer la sonnette d'alarme.