En Italie, et plus précisément à Sapri (dans la province de Salerne), une oeuvre d'art suscite la polémique : une statue en bronze signée de la main du sculpteur Emanuele Stifano. La raison ? Cette représentation d'une glaneuse, héritée d'un célèbre poème italien de Luigi Mercantini, est perçue comme beaucoup trop sexualisante. Une énième incarnation du "male gaze" ?
Le "male gaze", comme l'énonce la critique Iris Brey dans son essai Le regard féminin, c'est ce regard masculin - d'un réalisateur par exemple, d'un artiste en général - qui va plaquer ses désirs sur le corps des personnages féminins qu'il met en scène. Face à cela, le "female gaze" (ou regard féminin) se déploie comme une heureuse alternative, et déconstruit bien des stéréotypes de genre.
En l'occurrence, c'est sur ce regard qu'insistent celles et ceux qui aujourd'hui fustigent cette statue. "Certains observateurs ont attiré l'attention sur les formes trop provocantes de la femme représentée par la statue. La glaneuse du poème de Luigi Mercantini est une jeune travailleuse des champs, probablement vêtue avec les habits typiques de l'époque, une longue robe et des tabliers. Or la statue montre une femme adulte avec des vêtements mettant particulièrement en valeur ses formes", constate à ce titre Courrier International.
"C'est une gifle à l'histoire et aux femmes qui ne sont encore que des corps sexualisés. Cette statue ne dit rien de la glaneuse et de la détermination de celle qui a choisi de ne pas aller travailler pour se ranger contre les oppresseurs Bourbons", s'attriste ainsi la sénatrice du Parti démocrate Monica Cirinnà. La glaneuse en question était une travailleuse agricole qui a observé et narré au milieu du 19e siècle une expédition militaire à but révolutionnaire menée par 300 hommes, et prenant place dans la région de Naples.
Au final, ce qui aurait pu être un hommage national suscite de fait un scandale certain. Le maire de Sapri cependant conteste les craintes de voir cette statue être déboulonnée un jour. Comme le relève encore Courrier International, le sculpteur Emanuele Stifano lui-même a réagi à ces critiques virulentes : "Si ça n'avait tenu qu'à moi, j'aurais fait une statue nue, car j'aime travailler sur le corps humain, quel que soit le sexe. C'est inutile de fournir des explications à ceux qui veulent absolument voir dans cette oeuvre de la dépravation".
"Mais comment même les institutions peuvent-elles accepter la représentation des femmes en tant que corps sexualisé ? Le machisme est l'un des maux de l'Italie", a fustigé de son côté l'ancienne présidente de la Chambre des députés Laura Boldrini. Un débat qui fait encore couler de l'encre.