C'est une oeuvre que l'on croirait tout droit sortie de l'univers du Manneken Pis, vous savez, cette emblématique statue bruxelloise représentant un jeune garçon en train d'uriner. Dans le cadre de son "Voyage" annuel (un parcours estival à vocation touristique), la ville de Nantes a choisi d'ériger au coeur de la Place Royale une statue des plus insolites : elle représente un sexe féminin, d'où afflue un filet d'eau. En somme, une "femme-fontaine".
Et cette création de trois mètres signée Elsa Sahal revendique une irrévérence toute féministe. Au sein d'un espace public généralement ponctué d'effigies masculines, ce demi-corps de femme sobrement intitulé "Fontaine" fait passer un message d'inclusion des plus piquants.
Comme l'indique le journal Ouest France, on peut même voir en ce monument qui aime voyager (cela fait huit ans qu'il vadrouille, de la Foire internationale d'art contemporain aux rues de Toulouse) un hommage flamboyant "aux figures de la féminité triomphante qui ornent l'ensemble sculpturel du XIXe siècle de la place Royale". Piquant, oui, et même trop pour certains, si l'on en croit les réactions contrariées qui recouvrent la Toile.
"Honte à Ouest France qui fait l'éloge de cette laideur militante saluée comme il se doit par les moderno-progressistes", tacle en ce sens le membre du Parti chrétien-démocrate Jean-Yves Rineau. Sur Twitter, des internautes tout aussi colériques (et le plus souvent masculins) voient là "une représentation sans queue ni tête du féminisme" quand d'autres fustigent l'oeuvre pour "sa laideur artistique". Du côté de certains médias à la sensibilité politique bien prononcée, nombreux sont d'ailleurs ceux à réclamer son "déboulonnage".
Mais ce n'est pas le cas du caricaturiste Éric Chalmel, qui sur Facebook se réjouit de l'existence de cette "sorte de contre-Manneken Pis" qui suscite tant d'indignation. "Un vrai bonheur !", s'enthousiasme en retour l'artiste, qui insiste sur l'ironie de cette fontaine "insolente" qui "telle un chiffon rouge, électrise les réseaux sociaux". "Si ça choque tant mieux, l'art c'est fait pour ça", abonde un commentateur tout aussi taquin.
"Cette pièce est truculente et très réussie, j'adore !", poursuit une autre. Pourvu que nos extrémistes cathos ne la renversent pas !", achève non sans humour un citoyen nantais anonyme.
Parmi les défenseurs de l'oeuvre d'Elsa Sahal (exposée par le passé à la Biennale d'art contemporain de Venise), nombreux sont ceux à émettre une analogie avec la tout aussi sulfureuse Origine du monde de Gustave Courbet. Deux célébrations de la féminité s'il en est, et surtout d'une intimité qui échauffe certains esprits. Une internaute érudite compare quant à elle cette "Fontaine" insolite à la facétieuse "Femme qui pisse" du peintre Rembrandt.
Preuve en est que cette création, qui s'inscrit dans l'Histoire de l'art en renversant les codes, est loin d'être si incongrue.