Les deux plaintes déposées par Samira Ibrahim dépassent largement son cas personnel. Cette jeune femme de 25 ans, arrêtée avec une vingtaine d’autres sur la Place Tahrir, le 9 mars 2011, a attaqué en justice le médecin de la prison où elles ont été incarcérées pendant quatre jours. D’après les témoignages recueillis par Amnesty International, ces femmes auraient subi des violences sous la garde de l’armée –coups, décharges électriques, fouilles au corps-, mais aussi des « tests de virginité », et des menaces de poursuites judiciaires pour prostitution.
Rendre des comptes
« Samira Ibrahim et toutes les femmes qui se sont manifestées pour demander justice doivent être applaudies pour leur courage, et les autorités égyptiennes ont un devoir envers elles, celui d’obliger les responsables présumés à rendre des comptes dans le cadre de procès équitables et transparents », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International.
Poursuivi pour « outrage aux bonnes mœurs » et « désobéissance aux ordres militaires », le médecin militaire sera fixé sur son sort le dimanche 11 mars. La charge pour viol figurant initialement dans l’accusation n’a finalement pas été retenue.
Mme Sharaoui rappelle en outre que « l’armée doit pleinement respecter une décision rendue par un tribunal administratif en décembre 2011, qui interdit ce type de "tests" » et que toutes « les victimes doivent par ailleurs se voir accorder des réparations satisfaisantes. »
Violences récurrentes contre les manifestantes
Les tests de virginité et les violences dirigées contre les femmes ne seraient plus des cas isolés en Egypte, provoquant l’inquiétude des associations féminines et des ONG. D’autres plaintes concernant des violences auraient été déposées par des femmes contre le Conseil suprême des forces armées. « Depuis ces événements inacceptables, qui relèvent ni plus ni moins de la torture, des manifestantes ont régulièrement été frappées, torturées et soumises à d’autres formes de mauvais traitements par l’armée et les forces de sécurité égyptiennes », a rappelé Hassiba Hadj Sahraoui.
Témoignages
Une vidéo diffusée sur le Net avait notamment choqué : elle montrait une femme battue et à moitié déshabillée par les forces de l’ordre sur la place Tahrir. Azza Hilal, 49 ans, a raconté sa propre mésaventure à Amnesty International. Alors qu’elle essayait de venir en aide à une autre manifestante battue par des soldats, « elle a reçu de nombreux coups de bâton sur la tête, les bras et le dos ; après avoir fait une hémorragie, elle a perdu connaissance. Hospitalisée pendant trois semaines à la suite de cette agression, elle continue à souffrir de troubles de la mémoire. Une radiographie a plus tard révélé que son crâne avait été fracturé. Le mois dernier, elle a porté plainte contre le Conseil suprême des forces armées, auprès du ministère public, pour les blessures qui lui ont été infligées », peut-on lire dans un communiqué d’Amnesty International.
Ecarter les femmes de la contestation
Les victimes réclament à présent plus que des excuses du Conseil suprême des forces armées. D’après elles, très peu a été fait pour traduire les responsables présumés en justice, ou pour accorder des réparations à ces femmes. Selon Amnesty International les actes de torture les mauvais traitements infligés aux femmes « exploitent la réprobation sociale associée aux violences sexuelles et à la violence liée au genre, et sont employés pour cataloguer et marginaliser les manifestantes ».
Crédit photo : AFP/Archives/Place Tahrir
Egypte : les frères musulmans veulent supprimer le Conseil national de la femme
Elections au Maroc : « 15% de femmes, ce n'est pas la parité »
Egypte : les images de la femme battue place Tahrir inquiètent l’ONU femmes