"VGE", Giscard... Les Français accolaient bien des surnoms à Valéry Giscard d'Estaing. Et les Françaises, elles aussi, ne risquent pas d'oublier le troisième président de la Vème République. Alors qu'il vient de nous quitter ce 2 décembre à l'âge de 94 ans, victime du coronavirus, l'ancien chef d'Etat (1974-1981) laisse derrière lui bien des images et des héritages.
Par exemple ? Une certaine idée de la modernité, fort de sa jeunesse relative - lors de son élection en 1974, il n'avait que 48 ans, un record. Le passage de lois majeures, comme l'abaissement de la majorité à 18 ans. Une collaboration des plus houleuses avec son Premier ministre, Jacques Chirac. De retentissants scandales, telle l'affaire des diamants de Bokassa. Ou encore les clichés iconiques d'une Bardot arborant un T-shirt "Giscard à la barre".
A la barre justement, Valéry Giscard d'Estaing ne s'est pas abstenu de penser aux femmes durant son septennat, sous l'influence - notamment - de l'ancienne ministre de la Santé, la grande Simone Veil. Aujourd'hui, bien des voix saluent sa présidence, symbole d'évolutions notables pour les citoyennes du pays. On rembobine.
Dépénalisation de l'avortement avec l'adoption de la loi Veil de 1975, mais également création pour la première fois d'un ministère en charge de la Condition féminine un an auparavant (et donc dès la première année de sa présidence), mené par l'emblématique secrétaire d'Etat et militante féministe Françoise Giroud, ou encore, instauration le 11 juillet 1975 de la loi du divorce à l'amiable - aussi connue sous l'intitulé plus officiel de "divorce par consentement mutuel".
"Il a vu la société évoluer, les femmes gagner une place de plus en plus importante. Pour la loi sur l'IVG, il a su s'appuyer sur les forces de gauche", rappelle dans les pages de La Montagne l'ex-ministre à la Parité et à l'égalité professionnelle Michèle André à propos de ces ambitions de parité. Des mesures auxquelles il faut encore ajouter le remboursement de la pilule contraceptive par l'Assurance maladie.
Du côté du journal Libération, l'historienne Mathilde Larrère revient sur ces avancées sociales et tient à nuancer ces louanges. "Concernant les droits des femmes, je ne suis pas sûre que l'on puisse dire que c'est son action : il a nommé des femmes qui ont mené ces actions. Il faut aussi inscrire ces réformes dans le contexte de la mobilisation massive des féministes en France", explique l'autrice de Rage against the machisme.
Mathilde Larrère tient aussi à rappeler que l'action présidentielle prend place dans un contexte progressiste, une forme "d'air du temps" plus global - trois années après la victoire de Giscard sera d'ailleurs officialisée la journée des droits des femmes. Moralité ? Il faudrait donc rendre aux militantes féministes ce qui leur appartient, résultats de leurs longues luttes. Et surtout, ne jamais oublier que la politique est bien souvent affaire d'opportunisme.
"Dans un entretien au magazine 'Marie-Claire', une journaliste lui demande : 'Etes-vous féministe ?' et Giscard répond : 'On le dit'. Un peu comme au rugby, il a su récupérer le ballon, et marquer l'essai. De plus, on ne le sentait pas non plus absolument convaincu par l'IVG comme droit des femmes à disposer de leurs corps", poursuit à ce sujet Mathilde Larrère dans les pages de Libé. Une certaine "Histoire de France" à relativiser, donc.