Sollicitations diverses, exigence de nudes, manipulations psychologiques diverses, envoi de dick pics, systématique et parfois massif, envoi forcé de vidéos de masturbation... Aujourd'hui, de nombreuses jeunes femmes témoignent des agissements présumés du musicien français Gautier R., fondateur du groupe Boy Racer. C'est une ambitieuse enquête en sept parties du média en ligne Oh My Mag, en collaboration avec le magazine Néon, qui nous dévoile l'étendue assourdissante de ces multiples accusations de violences sexuelles.
En tout, sur une trentaine de voix recueillies par la journaliste Léa François, pas moins de quatorze jeunes femmes se disent victimes de Boy Racer. Les faits présumés le concernant sont accablants, entre harcèlement sexuel, proposition de collaboration "monnayée" contre l'envoi de nudes ou de relations sexuelles, et formes d'emprise plus insidieuse auprès d'interlocutrices encore mineures au moment des faits.
A travers cette enquête, fruit de recherches étalées sur plusieurs mois, les interlocutrices en question témoignent d'une même impression de dégoût, et d'impunité, au sujet de l'agresseur présumé. Un apport à la vague #MusicToo, mouvement de libération de la parole au sein de la scène musicale, française notamment.
"À l'époque, je savais déjà que c'était un gros prédateur avec d'autres filles, qu'il était dangereux, qu'on était nombreuses à se plaindre de lui. Tout le monde savait que ce mec était bizarre. Et du coup, j'ai fait un appel sur Twitter, et là ça m'a encore plus mis une claque : tous les témoignages que j'ai recueillis étaient très similaires", explique Emma, 21 ans. La jeune femme aurait été harcelée par le musicien français pendant plusieurs mois, entre 2015 et 2016, et aurait notamment reçu de multiples nudes non consentis, dont des dick pics.
Aujourd'hui, Emma et bien d'autres cherchent à tirer la sonnette d'alarme. Parmi les voix interrogées, détaille l'enquête, quatre jeunes femmes auraient effectivement reçu entre deux et dix photos de pénis non consenties. Sept d'entre elles en auraient reçu des dizaines. Et l'une d'entre elles, nous dit-on encore, en aurait carrément reçu "une centaine". C'est donc tout un système de cyberharcèlement qu'évoquent la majorité des victimes présumées, et plus encore, des faits relevant aux yeux de la loi d'un harcèlement sexuel aggravé.
L'article relate en majorité des formes d'abus qui pour la plupart auraient été perpétrés en exploitant "la candeur liée au jeune âge des victimes présumées". Et parmi ces abus divers, le témoignage éloquent de Delphine : "Je lui parlais beaucoup du fait que je faisais de la musique, et il me disait 'pourquoi pas un jour travailler ensemble'. Très vite, il m'a fait espérer que le jour où j'aurais mon featuring arriverait. Et en échange de ça, il me demandait des nudes. Lui m'envoyait pas mal de dick pics, même si je n'en demandais pas de mon côté. Il m'a fait comprendre que pour faire un son avec lui, on devait coucher ensemble. Ce n'était jamais vraiment dit, c'était sous-entendu et je pense qu'il s'en servait beaucoup", narre-t-elle.
La jeune fille avait 16 ans au moment des faits, et le musicien, 18 ans. Mais l'enquête relève également des situations d'autant plus condamnables. Parmi elles, une accusation de viol. La dénommée Jade (les prénoms ont été changés sur demande des victimes présumées) témoigne effectivement d'une agression sexuelle qui aurait eu lieu en 2018, et aurait par ailleurs fait l'objet d'un dépôt de plainte le mardi 8 décembre 2020. Un viol qui aurait pris place dans l'appartement de l'agresseur présumé, suite à un premier rapport sexuel, consenti.
La jeune femme raconte : "Il a commencé à me toucher entre les jambes, a mis un préservatif et là, j'ai senti sa main derrière ma nuque, je me souviens de la force qu'il avait dans la main. J'avais l'impression de ne pas être dans mon corps du tout. Là, il y a eu pénétration, je me rappelle que ça m'a paru durer une éternité. Ce rapport-là n'était pas consenti et je le considère comme un viol. Il ne m'a pas demandé si ça allait, si j'étais ok. Et moi je n'ai rien dit, parce que j'étais complètement fermée, absente. J'étais vulnérable".
Un état de sidération évident. En prenant connaissance de nombreux autres témoignages, la jeune femme aurait commenté du côté de Oh My Mag : "Je ne suis pas la seule. Il s'est passé des choses avec cet individu-là, ce n'est pas ma faute, ce n'est pas moi qui me suis embourbée dans un truc dont je serais responsable. J'ai juste été victime d'un agresseur".
Boy Racer n'a pas encore réagi à ces accusations.