Mettre fin à "l'omerta" dans le milieu politique, voilà le but de la tribune parue dans Le Monde ce lundi 15 novembre. Signée par 285 femmes qui y évoluent, dont les députes Danièle Obono (LFI) et Karima Delli (EELV), l'élue de Paris Alice Coffin ou encore la vice-présidente du Sénat (PS) Laurence Rossignol, elle réclame la fin d'une impunité qui gangrène la vie publique.
"Le monde politique doit assumer ses responsabilités", martèlent les autrices, "écarter les auteurs de violences sexuelles et sexistes de ses rangs et faire preuve d'exemplarité dans les désignations. C'est aussi une double peine pour les victimes. Ces auteurs sont responsables de voter les politiques publiques, qui nous concernent toutes et tous. Comment tolérer que les droits des femmes soient encore rognés, bloqués par eux ?"
Afin de permettre au plus grand nombre de confier son vécu, le texte s'accompagne d'un site : MeTooPolitique. Et s'il a été hacké (puis réhabilité) quelques heures à peine après son lancement - preuve de la volonté externe de silencier ces dénonciations - cela n'a toutefois pas empêché les personnes concernées de s'exprimer via d'autres canaux.
"Une vague de témoignages a déferlé sur les réseaux sociaux, où des femmes courageuses ont dénoncé la violence de certains élus et membres de partis politiques", ont indiqué dans un communiqué les initiatrices de la tribune. Des récits accablants qui, tragiquement, ne choquent plus.
Sur Twitter, Emma Salley, animatrice des Jeunes Insoumis et cheffe de File FI Normandie pour les régionales 2021, raconte : "A 17 ans, on m'a violée durant un évènement syndical. Je suis malheureusement loin d'être la seule à avoir commencé ma vie politique par un tel évènement. La première vague de dénonciations il y a quelques années avait fait du bien mais il faut aller plus loin".
"Une fois, un actuel candidat au présidentielles, m'a dit avec son accent du terroir qu'il avait bien regardé mes fesses, et qu'à n'en pas douté elles rentreraient dans une seule de ses mains", se souvient à son tour Mathilde Viot, secrétaire générale du groupe LFI Ile-de-France.
Anonymement, une jeune femme lâche encore : "À l'homme politique qui m'a proposé de coucher pour une place sur une liste municipale et l'autre pour un stage à l'Assemblée nationale. Et à celui qui a essayé de m'humilier publiquement après une rupture. Il est temps que ça cesse."
En 2019, le collectif Chair collaboratrice avait mené un sondage à l'Assemblée nationale afin d'évaluer la fréquence de ces violences sexistes et sexuelles. "1 collaboratrice sur 2 rapporte avoir été victime de blagues sexistes ou sexuelles ou de propos déplacés sur son apparence ou sa vie personnelle ; 1 collaboratrice sur 3 rapporte avoir été victime d'injures sexistes ou d'attitudes insistantes et gênantes ; 1 collaboratrice sur 5 rapporte avoir été victime d'une agression sexuelle", soulignait l'enquête.
Des chiffres édifiants qui révèlent, à qui l'aurait ignoré, l'ampleur d'un fléau bien ancré dans notre société. Et les signataires d'interpeller Emmanuel Macron : "Qu'est devenue la grande cause du quinquennat ?"