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"Pourquoi nous détestent-ils, nous les femmes ?" : Juliette Arnaud s'interroge sur la misogynie
Publié le 8 décembre 2017 à 11:28
Par Léa Drouelle
La série "Pourquoi nous détestent-ils ?" revient sur Planète +. Dans le troisième film de cette nouvelle saison, la comédienne Juliette Arnaud signe un documentaire consacré aux femmes où elle livre ses interrogations sur les clichés sexistes et misogynes qui sévissent dans nos sociétés.
Juliette Arnaud, réalisatrice du documentaire "Pourquoi nous détestent-ils nous les femmes ?" Juliette Arnaud, réalisatrice du documentaire "Pourquoi nous détestent-ils nous les femmes ?"© 2017 Camera Subjective
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L'année dernière, la première saison de la série documentaire "Pourquoi nous détestent-ils ?" consacrait trois films sur les clichés autour des Juifs, des Noirs et des Arabes. Cette fois, la deuxième saison se penche sur les fractures de la société française en s'intéressant à la misogynie, à l'homophobie et à la pauvrophobie. Ce nouveau volet - dont les deux premiers films ont été diffusés le 27 novembre et le 4 décembre - s'achève sur le thème des femmes, avec le documentaire "Pourquoi nous détestent-ils, nous les femmes ?" réalisé par Juliette Arnaud et Christophe Lancelloti, qui sera diffusé le lundi 11 décembre.

"J'ai toujours été une allumeuse. Bien sûr, j'ai couché pour réussir. Maintenant que j'ai trouvé un mari pété de tunes, comme toutes les femmes, je peux rester à la maison pour m'occuper des gosses", commente Juliette Arnaud dans une intro choc. "On pensait vivre dans un pays débarrassé de tous ces clichés. Mais visiblement, il nous reste du chemin à parcourir", rajoute la comédienne, co-auteur de la pièce "Arrête de pleurer Pénélope". Dans ce documentaire de 70 minutes, elle s'interroge sur l'évolution de la misogynie dans nos sociétés depuis les années 70 (décennies de son enfance) à aujourd'hui.

À travers de nombreuses rencontres avec des historiens, son écrivain féministe fétiche Virginie Despentes, ou encore des activistes de l'association Osez le Féminisme, Juliette Arnaud interpelle le téléspectateur sur la place qu'occupe la femme dans notre société et la manière dont elle est perçue. Dans ce film, l'actrice nous livre son expérience personnelle de femme : séquences de vie perso, moments de joie mais aussi de consternation, sketchs incisifs sur le mépris à l'encontre des femmes qui font le choix de ne pas avoir d'enfants... En passant par le récit touchant de son combat pour devenir mère. Rencontre.

Juliette Arnaud, dans "Pourquoi nous détestent-ils nous les femmes ?" © 2017 Camera Subjective
Au début du documentaire, vous racontez que lorsque vous aviez 21 ans, un homme vous a mis une main aux fesses en pleine rue. Est-ce que cela a été le déclic qui vous a décidé à faire ce documentaire ?

Oui, entre autres. Mais à l'époque, j'avais 21 ans et aujourd'hui j'en ai 44. Alors je vous laisse imaginer ce que j'ai pu voir et entendre entre temps. Quand j'ai écrit "Arrête de pleurer Pénélope" avec Corinne Puget et Christine Anglio par exemple, les journalistes nous demandaient souvent, y compris les femmes, 'alors, c'est quoi un humour de fille ?'. Ça m'a rapidement fatiguée. Après tout, on ne demande pas à Jamel Debbouze ce qu'est un humour d'arabe. L'humour, c'est l'humour, ce n'est certainement pas "genré".


À l'époque, j'étais en couple avec Michaël Youn. Du coup, j'étais souvent qualifiée comme 'la nana de Michaël'. Cela me faisait plus sourire qu'autre chose, et ça amusait aussi beaucoup Alexandre Amiel, le producteur du documentaire, que je ne connaissais pas intimement mais que j'avais eu l'occasion de croiser à plusieurs reprises. Quand il m'a contactée pour me proposer de réaliser le documentaire, j'ai tout de suite accepté. J'avais regardé la première saison de "Pourquoi nous détestent-ils ?" et je trouvais le format intelligent, très pédagogue.

Combien de temps vous a pris la réalisation de votre documentaire ? Avec le recul, quelle expérience en retirez-vous ?

L'enquête et le tournage m'ont pris environ 4-5 mois. Avant de me lancer dans ce travail, j'avais mes propres idées sur le féminisme, sur les stéréotypes de la femme, les inégalités hommes-femmes et les pratiques misogynes dans la société, mais elles relevaient davantage du domaine de l'intuition. En rencontrant et en discutant avec les personnes que l'on voit dans le documentaire, ces intuitions sont devenues des faits. J'ai rencontré des gens qui m'ont expliqué des faits historiques, géographiques, ce qui a transformé mon point de vue et ma manière d'observer l'univers qui m'entoure.

Par exemple, j'ai remarqué qu'il y a presque un terrain de foot dans chaque village de France, alors que cela coûte très cher à entretenir. Or, les personnes qui utilisent principalement ces terrains sont des hommes, et il n'existe pas d'investissement équivalent pour des espaces de loisir consacrés aux femmes dans ces villages. Il y a des inégalités dans toutes les villes et à tous les échelons de la société. Je pense qu'il y a un travail politique à effectuer pour changer cela. Comme le dit Virginie Despentes dans le documentaire, "la révolution féministe a commencé, mais c'est la seule qui ne fait pas de morts".

"Pourquoi nous détestent-ils ?", saison 2 de la série documentaire Canal Plus © 2017 Camera Subjective
Dans une séquence du film, vous allez rendre visite à votre frère en Suisse. Vous expliquez que vous êtes convaincue qu'il fait partie d'une génération d'hommes sincèrement anti-sexiste. Qu'est-ce qui vous fait penser cela ?

Je viens d'un milieu où on ne m'a pas élevée en faisant des différences entre les filles et les garçons. Quand j'étais petite, j'ai voulu faire des 'sports d'homme' et j'ai refusé de faire de la danse. Personne dans ma famille ne me l'a jamais reproché. Mon frère, qui a reçu la même éducation que moi, porte un regard féministe sur les femmes. Il bosse dans la restauration, un boulot super difficile physiquement. Pendant 15 ans, il a travaillé sous les ordres de femmes. Ce sont toujours des femmes qui lui ont donné sa chance au niveau professionnel. Et il m'a toujours dit que c'était plus confortable de travailler avec une femme, ce que je trouve admirable. Il estime qu'avec une femme, on peut plus facilement communiquer. Je connais d'autres hommes qui partagent son point de vue, souvent dans des métiers difficiles. Donc, ça existe, même s'ils ne représentent pas la majorité de l'espèce !

Il y aussi un passage très intime et poignant où vous parlez de votre combat pour devenir mère...

En effet. À l'âge de 37 ans, j'ai voulu faire un enfant. Je suis tombée plusieurs fois enceinte, mais j'ai fait 4 fausses-couches d'affilée. Un jour, je me suis retrouvée dans le cabinet du gynécologue François-Xavier Aubriot, que l'on voit dans le documentaire. Il m'a expliqué que ma réserve d'ovaires était épuisée et qu'elle ne se renouvellerait pas. En apprenant cela, j'ai été atterrée. Je ne savais pas du tout qu'une telle chose pouvait arriver. À l'époque, ce médecin avait essayé de faire passer une loi à l'assemblée pour que les femmes puissent congeler leurs ovocytes et les réutiliser plus tard.

Selon lui, il est parfaitement injuste de demander aux hommes de mener la même vie que les femmes, c'est-à-dire de faire des études, de trouver un travail, et de ne plus pouvoir à l'arrivée faire des enfants car il est trop tard. Mais malheureusement, il n'a jamais réussi à faire adopter cette loi. Je trouvais intéressant et important d'en parler. Je me dis qu'en regardant le documentaire, deux ou trois jeunes femmes pourront réaliser que ce sont des choses qui arrivent. Elles prendront peut-être conscience de cette injustice et auront la volonté de militer pour cette loi et de revendiquer leurs droits.

© Dailymotion
Vous êtes-vous souvent sentie jugée du fait d'être une femme de 44 ans sans enfants ?

Oui, tout le temps. Les gens sont d'une brutalité inouïe avec les femmes qui n'ont pas d'enfants. Surtout les femmes qui vous disent des trucs du style : 'tu ne peux pas comprendre, tu n'as pas d'enfants'. C'est vrai que mes sketchs que l'on voit dans le documentaire peuvent paraître un peu acerbes. Mais j'ai entendu tellement de choses bêtes et méchantes à ce propos, que j'ai voulu me décharger de tout ça. J'ai eu ma dose.

À la fin du film, vous présentez le point de vue d'Élisabeth Lévy, directrice de la rédaction du magazine Causeur. Son point de vue sur le féminisme est radicalement différent du vôtre. Que retenez-vous de cette rencontre ?

Comme je l'explique dans mon documentaire, Christophe et moi voulions inclure le point de vue de la partie adverse pour contre balancer les arguments donnés par mes autres interlocuteurs. J'ai d'emblée pensé à Élisabeth Lévy, car elle venait de faire une couverture de magazine antiféministe assez parlante. J'ai entendu ses arguments, son raisonnement, mais je suis totalement en désaccord avec elle, surtout que mon entretien avec elle s'est faite à la fin du tournage. Je trouvais ses propos totalement incohérents avec ce que j'avais pu voir ou entendre au cours de mon enquête. Je n'ai pas vraiment réussi à converser avec elle, car elle campait sur ses positions, et elle a d'ailleurs probablement pensé la même chose à mon sujet. Mais c'est toujours intéressant d'entendre ceux qui ne sont pas d'accord avec vous. Après, chacun en tire l'enseignement qu'il souhaite.

Envisagez-vous de réaliser un prochain film, une prochaine pièce ou un livre sur le féminisme ?

Je suis infiniment reconnaissante envers Alexandre Amiel, qui m'a proposé ce projet de documentaire à point nommé. J'avais fait le deuil de ma douloureuse expérience de maternité, et je souhaitais mettre des mots et apporter des réponses aux nombreuses interrogations que j'avais sur le féminisme et le sexisme. Cela m'a nourri de toutes les manières possibles et imaginables, et m'a amenée à écrire un roman. Je me suis lancée dans l'écriture pratiquement en même temps que le documentaire. J'y regroupe toutes mes idées, toutes mes recherches et mon ressenti de cette expérience sous forme de récit. Je l'ai terminé à l'automne, et je viens tout juste de trouver un éditeur pour le publier.

Pourquoi nous détestent-ils, nous les femmes ? Le 11 décembre sur Planète à 20 h 55

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