Samia Suluhu Hassan vient de succéder au président John Magufuli, dont le décès a été annoncé mercredi 17 mars au soir. Après avoir prêté serment le vendredi 19 mars au matin, l'ex-vice présidente de 61 ans devient ainsi la première femme à occuper cette fonction en Tanzanie, et la deuxième du continent africain à diriger un pays actuellement, avec l'Ethiopienne Sahle-Work Zewde, dont les fonctions sont honorifiques, précise l'Agence France-Presse. Elle restera au pouvoir jusqu'à la fin du mandat de son prédécesseur, soit en 2025, comme le prévoit la Constitution tanzanienne.
Née en 1960 d'un père instituteur et d'une mère au foyer musulman·e·s, Samia Suluhu Hassan obtient un master en "développement économique communautaire" de l'université libre de Tanzanie, à Dar es Salaam, la capitale, et de l'université américaine du Sud du New Hampshire, détaille TV5 Monde.
C'est au sein du gouvernement de l'archipel semi autonome de Zanzibar qu'elle entame sa carrière, y évoluant de 1977 à 1987. D'abord en occupant des fonctions administratives puis un poste de responsable du développement. Ensuite, de 1988 à 1997, elle devient cheffe de projet au Programme alimentaire mondial, toujours à Zanzibar, avant de prendre les manettes d'Angoza, l'association des ONG locales.
Ce n'est qu'en l'an 2000 qu'elle entame sa carrière en politique, alors qu'elle est nommée au Parlement de l'archipel, puis élue à l'Assemblée nationale tanzanienne, sous les couleurs du parti présidentiel Chama Cha Mapinduzi (CCM). Elle est alors ministre des Femmes et de la Jeunesse, puis du Tourisme et du Commerce, entre 2000 et 2010, avant de rejoindre le gouvernement national comme ministre des Affaires de l'Union dès 2014. A l'époque, c'est l'ancien président Jakaya Kikwete qui est au pouvoir.
Vice-présidente depuis 2015 et l'élection de John Magufuli, elle le représente fréquemment lors de déplacements à l'étranger, et parvient par ailleurs à ce que le ministère de l'Environnement interdise l'usage des sacs plastiques, en 2019. Un CV impressionnant qui se concrétise aujourd'hui par son accès au plus haut poste de l'Etat.
Son accession à la présidence se fait toutefois dans un contexte perturbé. D'abord, la crise sanitaire que John Magufuli, dont la réélection en octobre dernier a été jugée illégale par l'opposition, n'a eu de cesse de minimiser, assurant également que le pays s'en était "libéré" par la prière. Selon certaines rumeurs, il aurait lui-même succombé du Covid-19 et non de problèmes cardiaques comme officiellement déclaré. Les décisions de Samia Suluhu Hassan contre le coronavirus seront donc particulièrement observées.
De plus, si l'ancien président a lutté férocement contre la corruption, il a aussi mené une répression à l'encontre des médias et des défenseur·se·s des droits, et inculpé ses opposant·e·s. L'investiture de la femme politique pourrait ainsi apparaître comme l'occasion d'une "réconciliation", espère Freeman Mbowe, président du groupe d'oppostion Chadema. "Profitons de cette période pour ouvrir un nouveau chapitre pour la reconstruction de l'unité nationale et le respect de la liberté, de la justice, de l'état de droit, de la démocratie et du développement centré sur le peuple".
Des propos partagés par l'ONG Human Rights Watch, qui évoque "une chance pour un nouveau départ en mettant fin aux pratiques problématiques du passé". Seulement, pour certains experts, tout reste encore à prouver. "A ceux qui s'attendent à une rupture avec le style Magufuli, je dirais : retenez votre souffle pour le moment", estime auprès de l'AFP l'analyste tanzanien Thabit Jacob, chercheur à l'université danoise de Roskilde. Le principal blocage viendrait de la pression des soutiens du défunt au sein du parti.
L'année dernière, la présidente lançait : "J'ai peut-être l'air poli et je ne crie pas quand je parle, mais le plus important, c'est que tout le monde comprenne ce que je dis et que les choses soient faites comme je le dis". A voir donc comment elle entend utiliser sa voix.