Le jeune homme (ed. Gallimard) raconte l'histoire d'amour qu'a vécue Annie Ernaux avec un homme de 30 ans de moins alors qu'elle était âgée de 54 ans. Une nouvelle d'à peine cinquante pages, écrite à la première personne, dans laquelle elle relate l'expérience qui la fit redevenir la "fille scandaleuse" de sa jeunesse, l'espace de plusieurs mois. Mais aussi, le regard de la société, dur et inégalitaire, posé sur la différence d'âge entre les deux amant·es.
"J'ai vraiment senti ce sexisme, cet ostracisme vis-à-vis de la femme mûre", décrit l'écrivaine de 80 ans, invitée au micro du Grand Entretien présenté par Léa Salamé et Nicolas Demorand. "C'est lié au fait que la femme est considérée comme une mère à partir du moment où elle est ménopausée."
Ecrire ce livre, ajoute-t-elle, était pour elle "une façon de témoigner" de ce fléau. Et d'intervenir sur un tout autre sujet, particulièrement actuel.
Ce 11 mai, sur France Inter, la femme de lettres féministe a également réagi à la fuite de documents de la Cour suprême des Etats-Unis. Ou plutôt, au projet anti-avortement qu'ils contiennent.
"C'était un coup de tonnerre mais au fond je ne suis pas tellement surprise", se désole l'autrice de L'Evénement. "Ce droit, cette liberté de la reproduction pour une femme est quand même assez récente dans les lois car ça s'est toujours fait l'avortement. Le monde continue car on a des enfants. Si on restreint le droit à l'avortement, elles deviennent des génitrices, on les ramène à ça. C'est une rare agression. Il faudrait que ce droit soit inscrit en Europe, mais il ne l'est toujours pas et c'est à cause de ça que la Pologne peut faire n'importe quoi aux femmes."
En Pologne, pour précisions, le gouvernement a déclaré illégal l'avortement dans la plupart des cas. Depuis le 27 janvier 2021, la procédure est désormais seulement accordée lorsque la grossesse a été provoquée par un viol, un inceste, ou en cas de danger de mort pour la femme enceinte. Une décision terrifiante qui, quelques mois après, avait déjà fait sa première victime.
Izabel, mère d'une fillette de 9 ans, qui n'a pas survécu à sa grossesse bien qu'elle se soit rendue aux urgences à temps. Les médecins ont expliqué avoir eu peur d'être poursuivis en justice s'ils favorisaient la vie de la jeune femme aux dépens du foetus, par ailleurs atteint de malformation. Et ce, bien que la loi polonaise autorise l'interruption volontaire de grossesse dans ce cas précis.