Le Festival international de la bande dessinée d'Angoulême a finalement décidé ce 14 décembre d'annuler l'exposition consacrée au dessinateur et auteur Bastien Vivès, et intitulée "Dans les yeux de Bastien Vivès", suite aux "menaces physiques qui ont été proférées" vis-à-vis de ce dernier, énonce le communiqué de la direction du Festival.
"Il n'est dès lors pas possible pour l'événement d'envisager que sa programmation puisse faire peser de tels risques sur un auteur et, potentiellement, dans quelques semaines, sur ses festivaliers", écrit la direction.
Pour rappel, Bastien Vivès est au coeur de la polémique notamment pour sa bande dessinée Petit Paul (2018) accusée de pédopornographie mais aussi ses propos scabreux tels que : "Moi déjà, l'inceste, ça m'excite à mort". Une pétition demandant la déprogrammation de l'exposition avait été mise en ligne, dénonçant "la banalisation et l'apologie de l'inceste et de la pédocriminalité organisée par le dessinateur de BD Bastien Vivès à travers ses ouvrages et ses propos dangereux."
Bien des voix exigeaient ces derniers jours l'annulation de cette exposition comme celle de l'actrice et réalisatrice féministe Andréa Bescond : "Tu es le Festival de bande dessinée d'Angoulême. Tu consacres une exposition à Bastien Vivès qui a créé l'ouvrage 'Petit Paul', qui fait l'apologie de l'inceste, de la pédocriminalité, de la pédopornographie. Il y a des milliers d'autrices et d'auteurs magnifiques, mais toi, tu choisis Bastien Vivès. C'est de la culture du viol".
Dans son communiqué de presse notamment relayé sur Facebook, le Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême tient cependant à défendre l'artiste. Y sont notamment fustigées certaines "prises de parole diffamatoires d'internautes l'égard de l'auteur". Le Festival prend également position et considère en outre "que l'oeuvre de Bastien Vivès, dans son ensemble, relève de la liberté d'expression et qu'il revient à la loi de tracer les frontières dans ce domaine et à la justice de les faire respecter".
Ce communiqué se défend également d'une prise de connaissance antérieure du caractère problématique des propos de l'auteur. Parmi les déclarations de Bastien Vivès épinglées ? "Moi déjà, l'inceste ça m'excite à mort. Pas celui de la vraie vie, mais celui raconté, je trouve ça génial. Tous ces trucs-là font des histoires incroyables. Quand tu transgresses, quand tu fais quelque chose que t'as pas le droit de faire, c'est agréable à lire".
Le communiqué affirme à ce sujet : "Bastien Vivès a tenu différents propos - étalés dans le temps - qui peuvent paraître à certains très choquants et/ou déplacés : le Festival n'avait pas initialement connaissance de nombre d'entre eux". Et le Festival d'ajouter : "Il appartient à l'auteur de s'expliquer, de la manière qu'il jugera opportune, sur leur sens, leur raison d'être et de préciser les circonstances dans lesquelles ils ont été prononcés".
"Le débat en jeu porte sur des questions aussi anciennes que l'art. Celles relatives à la liberté d'expression et de création, à la responsabilité des artistes, aux nécessaires évolutions sociétales, à la morale, aux barrières entre la fiction et le réel, à la censure, à l'autocensure", peut-on encore lire dans ce texte relayé sur les réseaux sociaux.
L'annonce de cette annulation a engendré de nombreux commentaires. "Ah ouais, c'est ça le problème du festival. C'est pas la présence d'un dessinateur de pédopornographie qui dérange, ce sont les risques qu'il encourt", "Parce que c'est vraiment les "menaces physiques" le souci premier de cette exposition ? Pas le fait que l'auteur dessine et publie des ouvrages à caractère pédopornographiques ?", "On va déprogrammer le p*docriminel qu'on avait invité, mais c'est pour sa sécurité, hein. Pas a cause de ce qu'il fait", ont réagi les internautes.
Le compte Instagram de l'autrice féministe Alice Pfältzer, Je suis une sorcière, qui avait milité contre la tenue de cette expo a également réagi : "Victoire en demi-teinte. En espérant que cette affaire porte la question du male gaze, de la sureprésentation et de l'érotisation de la domination dans l'art et du problème systémique que représente la pédocriminalité ainsi que l'inceste au coeur du débat public."