Ce mercredi 26 mai, le Sénat, à majorité de droite, s'est rangé du côté des éleveur·se·s, rejetant un à un les articles de la proposition de loi écologiste.
Portée par la sénatrice EELV Esther Benbassa, cette loi demandait pourtant à ce que la France adopte "un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal". En instaurant notamment un dispositif pour parvenir progressivement à un élevage offrant un accès au plein air à tous les animaux d'ici 2040, le plafonnement de la durée maximale de transport d'animaux vivants sur le territoire français à huit heures pour la majorité des espèces, et à quatre pour les volailles, énumère Ouest France.
Mais aussi, en prononçant l'interdiction de l'élimination de poussins mâles par broyage ou gazage à compter du 1er janvier 2022, selon la promesse gouvernementale, et enfin, en créant un fonds de soutien à la transition pour le bien-être animal, qui permettrait d'accompagner les agriculteurs et agricultrices dans ces changements.
Des "objectifs nobles", a répondu la rapporteure LR Marie-Christine Chauvin, qui a assuré les partager "pleinement". Pas assez, apparemment, puisqu'elle a rapidement appelé à "être à l'écoute de nos éleveurs", insinuant que leur bien-être serait incompatible avec le texte. Car selon l'élue et ses confrères, celui-ci favoriserait "le soupçon à l'égard des agriculteurs et c'est regrettable", souligne Marie Evrard (RDPI à majorité en Marche), qui lâche qu'on ne "peut pas prendre des cas isolés de maltraitance animale pour discréditer [tout l'élevage français]".
Du côté du gouvernement, à l'action on semble prôner la tradition, et alerter contre le risque de l'importation. "Le temps de l'agriculture est long, il faut assurer des transitions adaptées au marché, sans quoi nous serons rapidement confrontés à une augmentation de produits importés à moindre coût venant de pays qui ne respectent pas nos principes", a déclaré Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'économie chargé des PME. Et d'affirmer qu'il s'agit selon lui d'une "position radicale, qui mettrait fin à l'élevage français".
Pourtant, lors d'une présentation à la presse le 20 mai, Esther Benbassa expliquait avoir par cette proposition de loi "voulu défendre une vision qui conjugue le bien-être animal avec le bien-être des agriculteurs (...) Nous ne sommes pas dans une écologie punitive". Devant la décision du Sénat, l'élue EELV de Paris a annoncé "regretter que notre assemblée soit enfermée dans son conservatisme, (...) si loin des attentes de la société, des jeunes et des consommateurs"
Daniel Salomon, co-rédacteur du texte et sénateur écologiste d'Ille-et-Villaine, a quant à lui fait remarquer : "Nous avons essayé de faire une loi équilibrée, nous ne sommes pas du tout dans l'agribashing (un présupposé dénigrement systématique du secteur agricole, ndlr). Pour le plein air, nous donnions du temps, jusqu'en 2040 : en dix-neuf ans, on peut faire évoluer un modèle. Au lieu de sauver l'élevage, vous êtes en train de condamner l'élevage, qui ne pourra pas se défendre face à la viande de laboratoire".
Sur Twitter, la sénatrice l'affirme toutefois : la lutte pour un monde plus juste - aussi bien envers les humains que les animaux - se poursuit : "Le Sénat serait-il enfermé dans sa bulle, sourd à ce qui travaille la société, hésitant à se tourner vers l'avenir ? Il ne le restera pas. Le débat est ouvert. Le combat continue".