Grâce aux actions de prévention et de mobilisation, notamment au moment d'Octobre rose, une femme sur deux en France fait le choix de se faire dépister du cancer du sein. Comment comprendre ce résultat ? Faut-il s'en réjouir ? Il est en réalité ambivalent.
C'est beaucoup d'une certaine façon et cela a permis de sauver de nombreuses vies. En effet, la mortalité liée au cancer du sein a diminué de 20 %. Cependant, la marge de progression est encore immense. Et le chemin s'avère encore très long pour le cancer le plus fréquent et le plus meurtrier chez les femmes, avec 58 500 nouveaux cas par ans. Si des progrès sont constatés d'année en année sur la prévention et le dépistage du cancer du sein, le volet lié au soin, à la guérison, celui de "l'après cancer" ne doit pas être négligé ou oublié.
Car il y a bien un "après"... Après l'annonce du cancer, après la première chimiothérapie, après la radiothérapie, après les opérations. Et cet "après" qui change définitivement la vie des patientes, doit se préparer dès le diagnostic et se discuter dans le bureau de l'oncologue et ensuite du chirurgien.
Les nouveaux traitements, rendus possible grâce à la recherche, n'ont cessé de s'améliorer. Mais aujourd'hui, ils restent encore invasifs, avec de nombreuses conséquences et séquelles parfois sur le long terme : manque d'élasticité de la peau, problème lié à une sexualité épanouie, rapport au corps plus compliqué, regard des autres plus difficile à accepter...
Idem concernant la chirurgie réparatrice après une mastectomie. Elle n'est pas la norme et peut parfois se faire en deux, trois, voire quatre opérations. Pour les femmes qui choisissent la reconstruction de leur sein, cette étape "d'entre deux" peut durer des mois, parfois des années entre la mastectomie et la décision de "reconstruire". C'est donc tout le rapport aux autres, le rapport à soi aussi qui est ainsi bouleversé, questionné après le traitement d'un cancer, après les chirurgies réparatrices.
Aujourd'hui pourtant, de nombreuses femmes demeurent dans l'ignorance face aux solutions qui pourraient se présenter à elles à l'issue d'une mastectomie. Peu de femmes consultent même un chirurgien de peur de souffrir et dans la méconnaissance des progrès dans le domaine.
Toute cette préparation de l'"après" est donc essentielle et doit commencer le plus tôt possible. Il est d'ailleurs plus simple à envisager dans un centre dédié pluridisciplinaire. Cette phase de préparation émotionnelle, physique, sociale et psychologique "de l'après" ne peut être que co-construite entre l'équipe médicale et la patiente.
Nous savons aujourd'hui à quel point les soins de kinésithérapie -notamment pour les difficultés à lever le bras -, des massages appliqués à la cicatrice, des cures thermales, l'écoute d'un sexologue, d'un psychologue sont utiles et nécessaires. L'approche la plus complète sera celle psychocorporelle, en somme une approche globale d'accompagnement.
Sensibilisons ainsi toutes les femmes pour donner une place plus forte à l'écoute, à la prise en compte de questionnements face à un corps qui a changé, répondre aux doutes inhérents à une féminité différente, qui doit donc être réinventée aussi.
Par Pr Mahasti Saghatchian – Oncologue médicale
et Dr Camille Ozil – Chirurgien plasticien