Lee So-jeong est en train d'écrire l'Histoire. A 43 ans, elle est devenue la première femme à présenter le journal télévisé de "News 9", le plus regardé de Corée du Sud, sur la chaîne publique KBS. Avant son arrivée, le schéma était simple : un homme d'âge mur s'occupait des informations principales, puis s'en suivaient les nouvelles plus légères relatées par une jeune femme. Jeune femme qui quittait le programme une fois mariée, dans la plupart des cas.
Lee So-jeong est donc venue insuffler un vent de modernité et d'égalité sur le plateau, en choisissant notamment de travailler aux côtés d'un homme plus jeune. La journaliste souhaite bousculer le côté traditionnel de KBS, et capter le jeune public rebuté par des émissions qui ont tendance à "donner des leçons aux téléspectateurs", explique l'AFP. Et le succès est au rendez-vous : 11 % de part d'audience aujourd'hui contre 9,6 % avant la nouvelle formule. Un changement qui répond "aux exigences de l'époque", affirme le directeur général de l'information de la chaîne, évoquant le bouleversement du mouvement #MeToo.
"Annoncer les principales informations politiques et sociales a longtemps été considéré comme une tache dévolue aux hommes et les femmes étaient sur la touche", explique Bae Bok-ju, militante des droits des femmes. "Le fait qu'une femme présente désormais le journal principal est le signe que la Corée du Sud est à la croisée des chemins pour enfin mettre fin aux stéréotypes liés au genre".
Un poste à haute responsabilité, qui récompense une carrière rondement menée, mais qui vient aussi avec son lot de pression et de risques. "Si j'échoue, cela pourrait déshonorer l'ensemble des femmes journalistes", affirme-t-elle. Elle avoue être soucieuse de "bien faire" pour permettre à ses consoeurs d'obtenir "plus d'opportunités".
Car si la Corée du Sud est en avance d'un point de vue économique et technologique, les valeurs traditionnelles restent cependant monnaie courante. L'homme domine dans beaucoup de situations, ce qui empêche les femmes de s'émanciper professionnellement. D'après TV5 Monde, les Coréennes ne gagneraient environ que 66 % du salaire des Coréens, et les mères au foyer subissent une réelle pression quant à l'éducation de leurs enfants - au moins équivalente à celle des femmes qui travaillent.
Lee So-jeong témoigne d'ailleurs de la difficulté de combiner vie de famille et carrière, et des complications qu'elle a rencontrées lors de son retour de congé maternité (elle est mère d'un petit garçon de 6 ans) : "J'avais l'impression de n'être ni une bonne maman ni une bonne journaliste", se souvient-elle. Elle appelle alors "les jeunes femmes à faire de leur mieux au travail sans pour autant s'en vouloir pour les choses qu'elles ne peuvent pas contrôler".