Aude Gogny-Goubert multiplie les cordes à son arc. Actrice, autrice et réalisatrice, elle s'est fait connaître du grand public en intégrant le Palmashow et le collectif Golden Moustache. Depuis, l'électron libre court de série en série (on l'a notamment vue dans la série fantastique Marianne sur Netflix) et écrit beaucoup.
Et en parallèle, elle a créé la chaîne Virago, une petite merveille de pédagogie sur laquelle "Aude GG" met en lumière ces femmes de l'ombre extraordinaires mais invisibilisées par l'Histoire. Ou encore Virag'INA, série documentaire retraçant les lois et mouvements qui ont bâti les droits des femmes. Un travail féministe qu'elle poursuit en réalisant une comédie historique sur la pionnière du cinéma parlant, Alice Guy.
Alors qu'elle fait partie du jury long-métrage de l'édition 2019 des Arcs Film Festival, nous avons interrogé cette créatrice engagée sur sa place de femme dans une industrie encore trop masculine et sur ses inspirations.
Aude Gogny-Goubert : La politesse. Le fait de ne pas vouloir prendre trop de place, de faire trop de bruit. Nous avons tendance à nous excuser et à ne pas vouloir "faire de vagues". Il nous faut encore gagner de l'espace qu'il soit artistique ou médiatique. Encore faut-il qu'il soit disponible....
A.GG : J'ai envie de rencontrer ce 1% fascinant qui n'aurait jamais rencontré ce genre de situation ! Évidemment, j'y ai fait face souvent et encore régulièrement. Notre monde évolue et j'ai beau être très au fait de tout un système, je me laisse encore surprendre par des comportements qui me laissent complètement ébaubie.
De réflexions blessantes ou petites humiliations en passant par des gestes déplacés, il est difficile de toujours réagir car c'est aussi un métier où il faut savoir lâcher prise et où l'on ne peut décemment pas rester perpétuellement sur ses gardes.
La palme, cette année, revient pour moi à ce comédien bien plus âgé que moi, que je ne connaissais pas, avec qui je n'avais pas encore tourné et qui s'est présenté à moi alors que j'attendais de tourner ma scène, en me glissant "Si je n'étais pas marié et père de famille, je te ferais une Harvey Weinstein...". Je suis restée sidérée.
A.GG : Je pense que le mouvement #MeToo démarre seulement maintenant en France... Grâce à la puissance des paroles d'Adèle Haenel. Jusque-là, il ne s'était absolument rien passé chez nous, selon moi. J'espère que les conséquences de son admirable force seront salvatrices et je prie de toutes mes forces pour que nous changions de paradigme.
A.GG : Selon moi, cela se passe en amont. Quand les directeurs de chaînes, de festivals, de studios seront à parité avec les directrices. Quand il y aura autant de productrices et de scénaristes femmes, la question ne se posera plus car la vision du monde nous apparaîtra à travers un prisme différent. Dès l'école et par l'éducation, il faut pousser les jeunes filles/femmes vers des carrières de dirigeantes et que par la suite elles aient accès à ces postes en dehors des critères de sexe. Alors seulement la représentation pourra s'équilibrer.
"Portrait de la jeune fille en feu"de Céline Sciamma
A.GG : J'aime fondamentalement le cinéma et un film est un film. On ne parlerait jamais d'un film "masculiniste" - même si cela doit exister - comme d'un cinéma militant et revendicateur avec ce que cela sous-entend de politique. Pourquoi le ferait-on si l'on traite de sujets ou via le prisme de 53% de l'humanité ?
A.GG : Emmanuelle Bercot sans hésiter.