La sexualité des personnes âgées est-elle encore tabou ? Cette icône du ciné français témoigne

"Si l’on a pris la vie avec élan et appétit, eh bien il n’y a pas de raison que ça s’arrête !"

Cette formule gourmande est celle d'une très grande actrice : Hélène Vincent. L'inénarrable épouse Quesnoy de La vie est un long fleuve tranquille, comédie culte étrillant la bourgeoisie, a captivé les regards d'André Téchiné (J'embrasse pas), Stéphane Brizé (Quelques heures de printemps), Albert Dupontel, Valérie Lemercier... Et aujourd'hui c'est François Ozon, le réalisateur de 8 femmes, qui la sublime.

Dans le très chabrolien Quand vient l'automne, thriller psychologique, et drame intimiste, la comédienne octogénaire est radieuse. De par son passé, qui nous sera dévoilé, et qui renvoie à sa sexualité, émane d'elle une complexité et surtout, une puissance féministe. Personne âgée, elle conserve sa routine makeup, est fière de son corps et de sa liberté. Et Hélène Vincent, c'est pareil : pour elle, l'intime importe toujours.

"La sexualité des personnes âgées est un tabou", explique-t-elle ainsi au magazine de cinéma Trois Couleurs. "Censément, la parole est libérée, mais jusqu’où ? Est-ce que les mères aujourd’hui ont plus de facilité à parler de la sexualité ? Je ne crois pas que ce soit si facile que ça".

La sexualité des seniors, et des femmes âgées, un gros tabou ? 

Clairement. Dans nos pages, sur Terrafemina, la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie avait déjà observé un trop grand écart entre l'absence absolue de représentations de femmes "désirantes" septuagénaires, octogénaires, dans le cinéma, et la chute fatale vers de gros clichés nourris de male gaze : le cliché de la cougar par exemple. 

"La sexualité des personnes âgées ? On n'en entend parler que rarement, comme si passé la cinquantaine, on se retrouvait dans un vide intersidéral dénué de libido", avions nous décrypté sur Terrafemina toujours. 

"Pour assister à un ébat entre "seniors", comme on dit presque par pudeur, il faut un contexte qui implique la jeunesse. Une femme d'une cinquantaine d'années qui se laisse séduire par un vingtenaire, un éternel célibataire qui voit les conquêtes plus jeunes défiler dans son lit", déplorait-on toujours.

Et ce n'est pas tout...

Aux femmes ménopausées, on retire le statut de femme "désirée" et de "femme désirante", observe Camille Froidevaux-Metterie, autrice du "Corps des femmes", dans les pages que Terrafemina a pu dédier au fait de "planquer les femmes de plus de cinquante ans". De les exclure des enjeux de société, de nos écrans, de nos films... 

Les propos de Hélène Vincent ont fait réagir une autre militante féministe, Sophie Dancourt. La journaliste est la créatrice de J'ai piscine avec Simone, super média et ligne - et communauté - qui donne de la visibilité à la génération des femmes de cinquante ans.

"Les représentations des femmes passé 50 ans au cinéma c'est ... Comment dire ? Irréalistes, mineures, inexistantes", déplore sur Insta la militante. "Il faut donc se réjouir de voir Hélène Vincent (81 ans) et Josiane Balasko ( 74 ans) incarnées les rôles principaux du film de Ozon... Et pas dans des rôles attendus comme celui de la grand-mère qui fait des tartes aux pommes !"

"Leur vie n'est pas aussi lisse que pourrait le suggérer leur âge, c'est une bonne claque aux stéréotypes"

A Hollywood, bien des stars tordent aussi le bras aux clichés. 

Des actrices comme Susan Sarandon et Emma Thompson assument leur sexualité, et leurs désirs, de leurs films à leurs interventions médiatiques. On pense très fortement au film Mes rendez vous avec Léo, où la comédienne britannique incarne une femme nouvellement veuve qui aux côtés d'un travailleur du sexe redécouvre le plaisir du corps, l'orgasme féminin, le désir, l'épanouissement sexuel. 

Un rôle hyper rare pour une sexagénaire. Qui témoigne d'un vent de renouveau ? Et s'il en fallait peu pour qu'enfin la parole se libère ?

"Ainsi, sur de nombreux forums, déjà, le sujet "sexualité des seniors" revient à la pelle. Les internautes s'interrogent et abordent leurs expériences naturellement", avait-on observé sur Terrafemina lors de notre enquête dédiée au sujet. "... Même si l'on voit rarement des couples d'un âge similaire dépassant les 50 ans qui s'aiment, se désirent, se caressent, comme ils existent bel et bien dans la vraie vie".