On la sous-estime volontiers, et pourtant : la perception que votre fille a de son propre corps peut causer complexes et anxiété carabinée. Les ravages du body shaming éclosent très tôt. Tant et si bien qu'il est parfois dur pour une enfant de s'aimer soi-même. Un amour pourtant important pour l'épanouissement personnel.
Car les filles sont soumises à la culture du body shaming et de ses injonctions très tôt : discours populaires divers, publicités, spots leur suggérant à quoi leur corps devrait ressembler... Force est de constater que ces diktats n'attendent pas l'adolescence pour influencer, voire étouffer les enfants. Et ces dernières peuvent en souffrir.
C'est aussi pour cela que les parents peuvent aider leurs filles à s'accepter elles-mêmes et à accepter leur apparence. Des voix expertes nous expliquent comment.
Expliquer à ses enfants que publicités et autres matériels marketing diffusés dans la rue – ou sur les écrans – relaient bien souvent des images éloignées de la réalité peut être une piste, comme l'évoque le blog d'éducation A Mighty Girl. Que les corps qui y sont représentés ne sont pas forcément des idéaux à atteindre ou qu'il faudrait à tout prix normaliser.
Ensuite, dédier une vraie conversation au corps et à l'apparence : ce sujet qui ne devrait pas être tabou – c'est encore en "ne disant pas" qu'on alimente les pires complexes.
Sensibiliser sa fille à la diversité des silhouettes, la variété de poids, de tailles, de looks, n'est pas la moindre des démarches à mettre en oeuvre. C'est pourtant l'une des plus importantes dans ce cadre. Cela permet d'éveiller à la différence tout en prévenant les risques de body et de fat shaming par exemple – ou "grossophobie", en français. "Nous sommes tous différents à bien des égards, et il est contre-productif de prétendre à nos enfants que nous ne le sommes pas", affirme d'ailleurs au blog la psychologue du développement Andrea Bastiani Archibald.
Enfin, s'offrent aux parents bien des initiatives pour faire en sorte que leur fille n'aie pas une vision négative de ses prétendues "imperfections" physiques. L'initier à des activités sportives ou créatives diverses afin de mettre l'accent sur ce que son corps peut lui apporter, par exemple : idéal si l'enfant se sent étrangère à sa propre apparence. Et mettre l'accent sur ses atouts, sur ce que le corps est capable d'accomplir ("Regarde tes grandes jambes, tu peux courir super vite !").
Par ailleurs, ne jamais "féliciter" quelqu'un pour sa perte de poids. Comme le souligne Shira Rosenbluth, psychothérapeute spécialisée dans le travail avec les personnes souffrant de troubles alimentaires, "la perte de poids d'une personne peut provenir d'une maladie, d'un stress sévère ou d'un trouble de l'alimentation ... Vous ne savez jamais pourquoi quelqu'un a perdu du poids, alors c'est mieux de ne pas faire de commentaire là-dessus." De plus, poursuit-elle, "complimenter la perte de poids renforce le mythe selon lequel être mince, c'est mieux... Ne renforcez donc pas l'idée qu'on est plus digne d'être accepté et aimé parce qu'on a perdu du poids."
L'interaction entre fille et parent(s) est d'ailleurs ce qui importe le plus dans ce processus d'estime de soi. Ainsi pour le blog lifestyle Her View From Home, une bonne première chose à faire est encore de garder toutes vos réflexions déplaisantes sur votre propre physique – ou celui d'autrui – pour vous, parent. De les taire, histoire de donner l'exemple. Mais pas seulement. Car si votre fille vous entend commenter ce qui ne va pas avec votre corps, elle pensera aussi que quelque chose ne va pas avec le sien.
En ce sens, privilégier la neutralité ou la positivité est essentiel : éduquer consiste aussi à combattre ses propres préjugés de genre. A la place des attaques gratuites, mieux vaut inciter votre fille à réfléchir à ce qu'elle aime chez elle, en commençant par dire ce que vous aimez chez vous. Une conversation ludique et pédagogique qui peut s'élargir à toute la famille. Tout est bon pour faire passer un message positif, même un simple sourire décoché face à un miroir. Oui oui.
C'est aussi parce que cette forme de transmission positive met l'accent sur des attitudes qu'insister sur la fameuse "beauté intérieure" importe tant. Détourner sa fille de l'obsession de l'apparence en lui expliquant l'importance de qualités plus morales, intérieures et comportementales, comme la bienveillance, l'entraide, l'ouverture d'esprit, l'éveil à l'autre... Bref, autant d'atouts qui, à n'en pas douter, feront sa force.
Des conseils que l'on aurait tort de prendre à la légère. Une récente étude du programme Girls Scout révèle que 80% des filles de 10 ans avaient peur de grossir ou plutôt, d'être désignées comme "grosses" par autrui. Ce qui importe ici, c'est le "avoir peur" : très tôt, le physique des filles est source de complexes et d'angoisses. "Parce qu'elles sont constamment entourées de messages à la fois subtils et explicites selon lesquels les filles plus "rondes" ne sont pas aussi appréciées que les autres", explique l'enquête.
De plus, une étude de la revue Body Image datée de 2012 a révélé que lorsque les parents papotent régulièrement de calories et glucides au dîner, ou plus ouvertement de prise de poids, leurs enfants sont plus susceptibles d'être insatisfait·e·s de leur propre corps, de leur poids ou leur taille. Ce n'est pas tout. Une autre étude de la National Eating Disorders Association nous apprend que 50% des filles âgées entre 6 et 12 ans disent "qu'elles s'inquiètent de leur poids" ou de "devenir trop grosses".
L'environnement parental, et plus globalement l'environnement social, façonne tout ce "body shaming" aux nombreuses variations, plus ou moins explicites et normalisées. "C'est nous, parents, qui allons enseigner à nos filles ce que cela signifie d'être 'une femme' ou 'une adulte'. Le message que nous leur donnons lorsque nous nous nous plaignons de notre corps, c'est qu'il y a une barre très haute à atteindre pour être considérée comme parfaite", affirme au média lifestyle Real Simple la professeure de psychologie Charlotte Markey.
C'est pour cela qu'il est primordial d'afficher une forme de bienveillance envers soi, mère ou père, pour mieux initier sa fille à cette "bienveillance corporelle" en question. Un simple "Merci" en réaction au compliment d'une ou d'un ami ("Tu es superbe !"), en lieu et place du traditionnel "Tu plaisantes ? Je suis horrible", est déjà un premier bon exemple des bonnes ondes à propager.
Bref, c'est toute une éducation, mais aussi de fâcheuses habitudes solidement ancrées, qui sont à repenser. Pas si fastoche dans une société où règnent bien des diktats, et parmi eux, le culte du régime. Ainsi la newsletter féministe Les Petites Glo nous rappellera qu'il y a deux ans de cela, le célèbre programme de régime alimentaire Weight Watchers destinait l'une de ses applications ... aux 8-17 ans.
De quoi grincer des dents.