"Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus". Cette célèbre citation extraite du titre du best-seller éponyme de l'Américain John Gray suggère que les hommes et les femmes sont foncièrement différent·e·s. Un argument encore largement utilisé au sein de la sphère professionnelle.
De nombreuses études avancent par exemple que l'augmentation des femmes dans les conseils d'administration- levier de l'égalité professionnelle femme-homme- augmente la rentabilité des entreprises. Si ce fait est incontestable, il est évoqué à tort dès lors qu'il sous-entend que les hommes et les femmes se complètent parce qu'ils ne possèdent pas les mêmes compétences.
Parmi la liste des stéréotypes genrés imputables au monde de l'entreprise, on peut citer l'idée selon laquelle les hommes ont une tendance naturelle au leadership, tandis que les femmes, "faites pour être mères", se démarquent davantage par leurs grandes aptitudes relationnelles.
Une femme qui dirige une entreprise va par ailleurs être considérée comme autoritaire, carriériste voire même égoïste, car elle n'a pas d'enfant ou si elle en a, s'en occupe mal... Des clichés sexistes qui nuisent considérablement au bon fonctionnement d'une entreprise et exercent un pouvoir négatif sur les salarié·es, aussi bien les hommes que les femmes.
Afin de mieux comprendre ce phénomène, une nouvelle étude dirigée par la sociologue danoise Lea Skewes et publiée dans la prestigieuse revue Plos One s'est penchée sur la perception des salarié·e·s de la théorie selon laquelle les caractéristiques attribuées au genre conditionnent nos compétences en entreprise.
L'équipe de Lea Skewes a questionné 18000 salarié·e·s d'entreprises en Australie et au Danemark. Les auteurs et autrices de l'étude ont distingué deux types de personnes. Les premières se disent favorables à l'égalité des sexes au travail. Les secondes, plus conservatrices, sont davantage susceptibles de penser que les hommes et les femmes viennent bel et bien de deux planètes distinctes.
"Il est intéressant de noter que les hommes australiens se rangeaient plus facilement dans la seconde catégorie que les femmes australiennes, mais que les hommes et les femmes danoises se rangent tous deux dans la première et ne faisaient donc pas de différence entre les genres", note Lea Skewes.
Intéressant, mais pas foncièrement étonnant, puisque le Danemark figure en 14e place du classement annuel 2017 du Forum Economique Mondial sur les inégalités entre hommes et femmes, tandis que l'Australie arrive en 24e place.
Lea Skewes a également cherché à savoir si les adeptes de la théorie selon laquelle les compétences professionnelles dépendent de notre sexe réagiraient négativement envers les femmes et les hommes qui ne se conforment pas aux "normes de genre".
"Sans surprise, les personnes qui considèrent les normes de genre comme naturelles et profondément enracinées sont particulièrement critiques à l'égard d'autres personnes qui violent ces attentes", constate la chercheuse.
À l'inverse, les personnes favorables à l'égalité des sexes écartent l'hypothèse des "compétences genrées" et décrient les attitudes discriminantes consistant par exemple à dire qu'une femme politique qui se présente à une élection importante recherche le pouvoir, tout en s'abstenant de faire la même remarque pour un candidat masculin.
"Nos conclusions soulèvent des questions importantes pour les professionnel·lle·s des ressources humaines spécialisé·e·s dans la discrimination de genre dans les entreprises (...) Les postes qui remettent en question des croyances sexistes inexactes peuvent-ils être plus efficaces que les programmes de formation basés sur des préjugés inconscients ?", s'interroge Lea Skewes.
Avant de conclure : "Nos observations soulignent le besoin de surveiller et de spécifier la manière dont sont présentés les arguments en faveur de la promotion du leadership des femmes."
Cette étude confirme que les clichés au bureau selon lesquels les femmes et les hommes seraient plus à même de remplir certaines missions ou d'occuper certains postes uniquement selon leur sexe relèvent de croyances profondément ancrées dans notre société, mais sans pour autant être fondées.