Le chemin vers l'émancipation et l'égalité est long pour les Saoudiennes. En septembre dernier, elles ont été pour la première fois autorisées à se rendre au stade. Jusqu'ici interdites de fréquenter les équipements sportifs et culturels du pays, les femmes avaient reçu l'autorisation exceptionnelle de se rendre dans l'enceinte du stade Roi-Fahd de Ryad pour assister à la 87e fête nationale du royaume.
Mercredi 6 décembre, c'est un nouveau pas vers la liberté qui a été franchi, puisque les Saoudiennes ont pu se rendre au concert de l'artiste libanaise Hiba Tawaji au centre culturel Roi-Fahd de Riyad.
Cette dernière s'est produite devant une salle comble. L'auditoire, exclusivement féminin, était visiblement ravi de pouvoir assister à un tel événement. "Je suis venue spécialement de Jizane pour ce concert", a déclaré à l'AFP Nafis Awad, une étudiante de cette province du sud, situé à près de 1000 km de la capitale. "Nous sommes tellement contentes d'assister à ce concert, c'est la première fois", a-t-elle ajouté. "C'est une bonne chose que l'existence des femmes soit reconnue", a confié quant à elle Salma, une autre étudiante.
Dans ce royaume ultra-conservateur régi par une forme rigoriste de l'islam sunnite, les femmes étaient jusqu'à cet automne interdites dans les stades en application de la règle de séparation entre les sexes dans les espaces publics.
Toutefois, depuis quelques mois, l'Arabie saoudite, sous l'impulsion du prince héritier Mohammed ben Salmane, a procédé à une série de réformes sociétales donnant aux habitants du royaume, et notamment aux femmes, davantage de liberté. Jusqu'ici interdites de conduite, ces dernières ont ainsi obtenu l'autorisation de prendre le volant à compter de juin 2018.
Ces réformes sociétales n'ont rien de fortuite : elles s'inscrivent en effet dans un plan de modernisation de l'économie afin de rendre le pays moins dépendant du pétrole et trouver de nouvelles sources de revenus. C'est la raison pour laquelle le royaume cherche de plus en plus à développer l'offre de divertissements pour sa population, dont la moitié a moins de 25 ans. Ainsi, le pays a accueilli en février dernier son premier festival Comic-Con. Les concerts de musique ouverts aux deux sexes se sont par ailleurs multipliés cette année, malgré la réticence des milieux religieux.
Ces menues libertés octroyées aux femmes ne doivent pas faire oublier que leur sort reste peu enviable. Placées dès leur naissance sous la tutelle d'un homme, leur "gardien", elles n'ont quasiment aucun droit, ni aucune liberté dans ce pays appliquant la charia. Jusqu'en 2015, elles ont été interdites de voyager sans le consentement de leur tuteur. Elles risquent toujours la lapidation, la pendaison ou la décapitation si elles sont reconnues coupables de blasphème, d'apostasie, d'adultère ou de sorcellerie.