Victoire pour les Saoudiennes. Après des années à revendiquer leur droit à conduire et à braver l'interdit qui leur était fait de prendre le volant, elles viennent enfin d'obtenir gain de cause. La presse officielle du pays a en effet annoncée ce mardi 26 septembre que le roi Salman a signé un décret autorisant les femmes à conduire. À partir de juin 2018, date d'entrée en vigueur de la mesure, les Saoudiennes n'auront plus besoin d'obtenir l'accord de leur tuteur légal pour passer le permis et la présence de ce dernier ne sera pas nécessaire lorsqu'elles seront au volant. Ce délai de dix mois est censé laisser aux femmes le temps de passer leur permis de conduire.
Pour les Saoudiennes, la décision du roi Salman, largement influencée par son fils Mohammed Bin Salman, vient couronner des décennies de revendications pour obtenir enfin ce droit fondamental. Seules femmes au monde à se voir interdire de prendre le volant par les autorités religieuses et politiques du pays, les Saoudiennes militent depuis les années 1990 pour obtenir ce droit. "C'est fantastique, je plane", s'est réjouie la militante pour les droits des femmes Fawzia Al-Bakr. Cela fait vingt ans que l'on attendait cette mesure. Toutes mes amies débarquent chez moi pour faire la fête."
Il y a encore trois ans, les Saoudiennes surprises au volant d'une voiture s'exposaient à de sévères représailles de la part des autorités du pays. Sous l'impulsion des militantes, le 26 octobre 2014 avait été déclaré dans le pays comme une journée de désobéissance des femmes pour réclamer le droit de conduire. Initiée par le collectif Women2Drive, elle n'avait finalement été que peu suivie après que le ministère de l'Intérieur eu averti qu'il "appliquera avec fermeté les règlements contre quiconque contribuera d'une quelconque manière [...] à violer la cohésion sociale". Bravant l'interdit, les contrevenantes avaient posté sur YouTube des vidéos où on les voit conduire.
Dans les faits pourtant, aucune loi n'interdisait jusqu'ici aux Saoudiennes de prendre le volant. Mais le poids de la tradition wahhabite et l'influence d'un clergé particulièrement conservateur la rendait pourtant impossible. Aucune femme n'était, par exemple, autorisée à passer le permis et, en novembre 2013, le grand mufti du pays, Abdul Aziz ibn Abdillah Ali ash-Shaykh avait argué que si les Saoudiennes étaient interdites de conduite, c'était pour "protéger la société du mal". Le Cheikh Saleh al Luhaidan, un autre religieux conservateur avait, quant à lui, affirmé que les femmes qui contreviendraient aux règles risquaient d'avoir des enfants anormaux en raison de la "pression sur les ovaires" créée par la conduite.
Saluée par la communauté internationale, dont les États-Unis, la décision de laisser les Saoudiennes conduire est le dernier indice d'une lente ouverture du pays et d'une émancipation des femmes toute aussi mesurée. Car si les femmes du pays viennent pour la première fois d'obtenir le droit d'entrer dans un stade pour assister à la cérémonie organisée dans le cadre de la fête nationale, et si elles pourront prochainement passer leur permis et prendre le volant, l'émancipation dont elles rêvent tant n'est pas pour tout de suite. Placées sous la tutelle d'un homme, leur "gardien" dès leur naissance, les femmes n'ont quasiment aucun droit, ni aucune liberté dans ce pays appliquant la charia. Obligées de porter le voile selon les codes vestimentaires dictés la "Mutawa", la police religieuse, les Saoudiennes étaient jusqu'en 2015 interdites de voyager sans le consentement de leur tuteur. Elles risquent toujours la lapidation, la pendaison ou la décapitation si elles sont reconnues coupables de blasphème, d'apostasie, d'adultère ou de sorcellerie.
Quant à leur présence dans la sphère politique, elle reste toujours limitée. Bien qu'elles aient obtenu le droit de vote aux élections municipales et l'éligibilité en 2011, les Saoudiennes n'ont pu voter qu'en 2015 dans des isoloirs séparés. Quant aux candidates, elles n'ont pas obtenu le droit de prendre la parole en public et sont interdites de siéger dans la même pièce que leurs confrères masculins.