"La maladie constitue un handicap invisible ayant des conséquences sociales, économiques et professionnelles pour les femmes qui en sont atteintes." Le jeudi 13 janvier, deux jours après l'annonce du plan de lutte contre l'endométriose par Emmanuel Macron, l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité une proposition de loi, portée par la France insoumise, visant à ce que cette maladie soit reconnue comme une affection longue durée (ALD).
Elle vise à permettre une meilleure reconnaissance institutionnelle de cette maladie chronique touchant au moins 10% des femmes ainsi qu'une prise en charge à 100% des soins dont doivent bénéficier tout au long de leur vie les femmes qui en souffrent.
C'était une demande de longue date des associations. En juillet 2020, de nombreux sénateurs et députés adressaient à Olivier Véran un courrier de soutien à l'association Endomind, pour que l'endométriose soit intégrée dans les ALD. Le mois suivant, une tribune d'Endofrance signée par une soixantaine de praticiens médicaux était publiée dans Le Parisien. Celle-ci invitait le gouvernement à aller plus loin encore qu'une reconnaissance comme ALD.
Aujourd'hui, 30 maladies sont classées comme telles, parmi lesquelles le diabète ou la maladie de Parkinson. Il s'agit de pathologies "dont la gravité et/ou le caractère chronique nécessitent un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, et pour lesquelles le ticket modérateur est supprimé". Parce que l'endométriose "est une maladie chronique, évolutive et incurable, qu'elle peut être invalidante et occasionner un traitement prolongé et particulièrement coûteux", note la France Insoumise, elle devrait être intégrée à cette liste.
Il faut dire que l'endométriose, en tant que handicap invisible, a des conséquences au quotidien : "Des formes sévères responsables d'une invalidité dans un tiers à la moitié des cas", note LFI. "Des conséquences sociales, économiques et professionnelles pour les femmes qui en sont atteintes", poursuit le groupe. Selon l'association Endomind, ce sont "80% des personnes concernées qui ressentent une limitation dans leurs tâches quotidiennes, et 40% d'entre elles qui rencontrent des problèmes de fertilité".
"Avec au moins une – si pas deux – opérations chirurgicales qui m'attendent en 2022 pour tenter de me débarrasser de cette endométriose, l'objectif d'avoir un jour un enfant (oui, je parle au singulier, je suis raisonnable) semble noyé dans un épais brouillard, celui de l'errance médicale dans laquelle je me suis retrouvée", regrette à ce sujet la journaliste Céline Dura dans un blog sur Le HuffPost. "Je ne suis pas la seule à vivre cela : l'endométriose concerne 10% des femmes environ et il faut en moyenne 7 ans pour la détecter", poursuit-elle. Comme elle, l'actrice Emma Roberts s'était exprimée fin 2020 sur ses problèmes de fertilité liés à l'endométriose. Elle avait choisi de congeler ses ovocytes.
Au-delà des problèmes de fertilité, l'impact de l'endométriose dans la vie de tous les jours peut être considérable.
"Cela fait 30 ans que je souffre d'endométriose. Cette saleté a détruit une bonne partie de ma vie. Elle m'a empêchée de mener une carrière, elle m'a enchaînée à ma maison, elle m'a privée de la maternité. À cause d'elle, j'ai eu de terribles douleurs qui m'ont clouée au lit pendant des années. J'ai eu 4 opérations pour essayer d'enlever les lésions qui avaient colonisé mes intestins et le reste de mon abdomen. J'ai eu 4 fécondations in vitro pour essayer d'être mère. J'ai dû subir 10 ans de traitements hormonaux absolument épouvantables", détaille Marie-Sophie Germain, l'autrice du blog #MonEndométriose sur Le HuffPost.
Sur la sexualité aussi, certaines femmes doivent tirer un trait. C'est ce que raconte à propos de son compagnon Emeline Vitrac, auxiliaire de vie, dans ce blog. "Ton copain, parlons-en. Celui qui te masse jusqu'à 1h du matin parce que tu es en crise. Celui qui appelle les pompiers à 23h parce que cette fois-ci les anti-douleurs n'ont pas fait effet. Celui qui ne te touche qu'une fois par mois, parce que les rapports quand tu as de l'endo, tu oublies. Bah oui, avoir l'impression de prendre un coup de poignard qui part du fond du vagin jusqu'à l'estomac, c'est pas excitant."
La carrière de ces femmes peut aussi être profondément bouleversée. "Les arrêts maladie peuvent en effet être fréquents et affectent leur scolarité et leur carrière", note LFI. Plus d'une femme sur deux atteinte d'endométriose (53%) note une diminution de ses capacités de travail, selon l'enquête EndoVie, menée en 2020 par Ipsos et EndoFrance. D'après l'enquête "Endotravail", menée par la chercheuse Alice Romerio, un tiers des femmes interrogées quitte précipitamment son travail une fois par mois à cause des symptômes de l'endométriose. Près d'une sur deux (49%) estime que la maladie les a gênées dans leur carrière professionnelle.
C'est ce dont témoigne Flora dans cet article de Slate. Après un diagnostic d'endométriose et de multiples arrêts maladie et rendez-vous médicaux, elle est placardisée. "Petit à petit, mon chef m'a mise à l'écart du poste pour lequel j'étais formée, en me cantonnant à des tâches inutiles, comme coller des gommettes. Il a mis une intérimaire à ma place, et m'a carrément déplacée dans un coin de l'usine. Il m'expliquait que je n'étais pas rentable pour lui"" se souvient-elle.