"Les personnes grosses représentent environ 1/6 de la population. Pourtant l'espace public n'est jamais pensé pour nous et nos corps", dénoncent Sarah, Caroline et Delphine, militantes anti-grossophobie. Les sièges, les accoudoirs, les allées serrées, les tourniquets du métro, les WC du train... sont autant d'installations excluantes qui rendent l'accès à de nombreux endroits quasi impossibles pour les concerné·e·s. "Plus on grossit, plus notre univers rétrécit".
Au quotidien, cela se traduit par une anticipation constante. "Je ne peux pas improviser un restaurant, car il y a une chance sur deux que je ne puisse pas y circuler, où m'y installer sans douleur", confie Delphine, 30 ans. "Les transports en commun... C'est pour moi un endroit de violences", déplore Astride 32 ans. "Ça rend les sorties angoissantes et difficiles à gérer", lâche Lisa, 43 ans.
Afin de contribuer à ce que le système change, et à ce que les déplacements et les établissements recevant du public soient plus agréables et adaptés aux personnes grosses, les trois jeunes femmes créent Fat Friendly. Un outil numérique collaboratif qui fonctionne comme une appli de bonnes adresses, sauf qu'au lieu de répertorier les bars, boutiques, cafés où la carte est bonne et le serveur sympa, il permet à ses utilisateur·rice·s de s'assurer qu'ils·elles y seront bien accueilli·e·s et traité·e·s, et non discriminé·e·s en raison de leur poids.
Ce projet ambitieux, qui fonctionnera en Belgique et en France, a donc pour but de réduire la "charge mentale des gros·se·s". En leur redonnant le droit d'occuper l'espace qu'elles sont légitimes d'occuper, en valorisant les endroits accessibles et donner envie aux autres de le devenir, en amoindrissant l'anxiété et donc la sédentarité et l'isolement qui en découlent, en permettant de prendre soin de soi selon ses besoins et ses envies, et en sensibilisant le monde et les pouvoirs publics à ces réalités.
Surtout, il met en exergue le peu de considération et le mépris dirigés envers cette grande partie de la population.
Mais avant de pouvoir lancer cette plateforme malheureusement indispensable, ses inventrices ont besoin de soutien. Financier, plus précisément, puisqu'elles l'affirment : ll n'est pas question de précariser l'équipe avec laquelle elles travaillent. Elles ont donc démarré une campagne de crowd-funding pour récolter les fonds qui leur manquent, qui serviront principalement à rémunérer leurs collaborateur·rice·s et faire avancer Fat Friendly.
Une aide précieuse pour une cause essentielle. "Parce que le monde est à toutes et tous et qu'accéder à la culture, s'habiller, recevoir des soins respectueux ou s'asseoir dans les transports en commun - liste non exhaustive - ne devraient jamais être un privilège", concluent-elles. Alors si on peut, on fonce participer.