Elvire Duvelle-Charles n'aime rien tant que l'action. Pour l'ancienne Femen, il faut que cela s'agite, que ça avance. Et pour faire bouger les lignes, elle a aussi fait des réseaux sociaux l'un de ses terrains de jeu préférés. L'activiste digitale a ainsi co-créé Clit Révolution, compte Insta pop et décomplexé qui entremêle interviews de femmes engagées autour de la sexualité, mèmes rigolos et appels à la mobilisation. Mais aussi une série documentaire sur le pouvoir politique du corps des femmes.
Alors qu'elle sera ce 8 mars l'une des intervenantes du passionnant cycle de conférences Le féminisme n'a jamais tué personne organisé par la Bpi du Centre Pompidou, la co-autrice du très ludique Manuel d'activisme féministe nous en dit plus sur son parcours et ses inspirations.
Elvire Duvelle-Charles : Mon déclic, ça a été de découvrir les images de trois activistes Femen devant le domicile de Dominique Strauss-Kahn à l'époque de l'affaire Nafissatou Diallo. À ce moment-là, je venais d'entrer dans la vie active et j'étais harcelée sexuellement par plusieurs membres de mon équipe sans que personne ne semble trouver cela anormal. J'avais alors mis au point des stratégies d'évitement pour essayer de désamorcer les avances tout en restant une meuf sympa.
En voyant les images de ces activistes, ça a fait tilt. Je me suis dit : "Mais ces meufs ont raison ! Ça n'est pas à moi de m'adapter à ces mecs. C'est à eux de se faire à l'idée que je suis là." J'ai démissionné peu de temps après, puis un an plus tard, Femen a lancé sa branche française et j'ai immédiatement rejoint le mouvement. Je n'avais aucune notion théorique, je savais juste que la situation que je vivais parce que femme n'était pas normale et qu'avec ce groupe de nanas, je pourrais le crier haut et fort. C'est comme ça que tout à commencé. La théorie est arrivée beaucoup plus tard.
E D-C : Oui. J'ai l'impression que les victimes de violences sexistes et sexuelles vont plus facilement identifier les violences et vont en parler plus souvent. Je vois aussi que ça a suscité beaucoup de questions autour de la séduction et de la sexualité : comment on s'assure du consentement de l'autre ? Est-ce qu'on doit tout verbaliser ? Comment verbaliser ? Il y a tout à réinventer et c'est assez réjouissant.
E D-C : En temps normal, je ne dépense pas trop de temps, ni d'énergie à répondre à ce type de réflexion. Mais si cela vient d'une personne que j'estime ou que j'affectionne alors je lui offre le livre de Victoire Tuaillon, Les Couilles sur la table et/ou le livre de Lauren Bastide Présentes. Comme ça, elles font le travail à ma place.
E D-C : C'est difficile de faire une sélection non exhaustive tellement les oeuvres qui m'ont guidée et éclairée sont nombreuses. Alors je vais peut être citer celles qui m'ont le plus marquées :
- Féminismes et pornographie de David Courbet parce que c'est le premier ouvrage qui traite de féminisme que j'ai lu et qu'il a complètement bouleversé ma vision de la pornographie.
- La prochaine fois, le feu de James Baldwin, premier livre sur la négritude que j'ai lu. C'est ce livre qui m'a permis de faire un parallèle clair entre le racisme et le sexisme.
- De la marge au centre de bell hooks, premier livre afroféministe que j'ai lu, qui a été comme un alignement des planètes entre toutes mes intuitions politiques.
E D-C : Je pense que tous les combats gagnent à se mener simultanément. Mais mon approche en 2021 reste celle de la pédagogie, du rire et de la transmission d'outils militants. Et, qui sait, peut-être bien qu'on est en train de préparer une version amplifiée du Manuel d'activisme féministe ?
Pour revoir les premières conférences Le féminisme n'a jamais tué personne, c'est ici :
Conférences "13 minutes" : Le féminisme
Violences sexistes : quand les femmes prennent la parole