Se servir des femmes en état de mort cérébrale comme de mères-porteuses ? C'est l'idée mise en avant par la doctoresse Anna Smajdor, professeure agrégée de philosophie à l'université d'Oslo, dans un article ("Whole body gestational donation"), publié dans une revue scientifique, Theoretical Medecine and Bioethics. La professeure voit là une manière supplémentaire d'aider les parents "qui souhaiteraient avoir des enfants mais ne le peuvent pas".
Autre chose, tient-elle à préciser : il faudrait évidemment que les femmes en état de mort cérébrale aient exprimé leur consentement au préalable concernant le fait de voir un embryon placé dans leur utérus jusqu'à son terme. Un accord a priori, comme peuvent le faire les patients qui se portent volontaires pour le don d'organes. Une idée qui dérange, très légitimement. Et a suscité de nombreuses réactions.
"Ce n'est que dans une société qui déteste les femmes que l'utilisation de patientes en état de mort cérébrale comme utérus vivant peut faire l'objet de réelles discussions", a ainsi fustigé sur Twitter Charlotte Proudman, avocate spécialisée dans la violence contre les femmes et les enfants. Dans les commentaires, des internautes comparent cette idée à The Handmaid's tale, fiction dystopique sur l'exploitation du corps des femmes.
Une idée de "maternité de substitution", pour paraphraser son instigatrice, qui dérange notamment par la manière dont elle représente les femmes en état de mort cérébrale, mais également la grossesse. "En tant que spécialiste de la santé maternelle et foetale, je trouve que ce concept est honteux. Résumer essentiellement la vie d'une personne à un outil à destination des autres est une option qui ne devrait jamais être envisagé. Comparer la maternité de substitution au don d'organes est une simplification excessive", dénonce l'endocrinologue Gareth Nye auprès de Glamour.
"C'est un concept très étrange. On peut l'envisager comme l'illustration de cette idée selon laquelle le corps des femmes serait avant tout un support, un contenant pour la vie humaine et rien d'autre. On pourrait faire un film terrifiant ou un roman de science-fiction à ce sujet", a encore réagi une internaute.
De son côté, Anne-Laure Boch, médecin des Hôpitaux de Paris, s'est offusquée : "Selon une vision utilitariste, l'autrice prétend utiliser le corps de personnes en état végétatif chronique (EVC) pour porter des enfants de couples infertiles. C'est en quelque sorte un utérus biologique en attendant l'utérus artificiel. Elle met donc sur le même plan la mort et le handicap lourd (état végétatif) ! Les malades en EVC sont pour elle comme des morts, et on pourrait donc utiliser comme on veut les pièces détachées de leur corps. C'est une proposition monstrueuse".
Une idée qui suscite donc plus l'horreur que l'intérêt.