Michel Piron, propriétaire du site de porno amateur Jacquie et Michel, sa femme et trois hommes présentés comme des "acteurs" ont été arrêtés ce mardi 14 juin dans le cadre d'une enquête judiciaire ouverte en 2020, rapporte l'AFP. Le premier pour complicité, entre autres, de viols aggravés, proxénétisme aggravé et traite des êtres humains, note le parquet de Paris. Les trois derniers pour viols aggravés ou en réunion, traite des êtres humains ou encore proxénétisme.
"C'est une nouvelle étape importante qui marque la prise de conscience sociétale et judiciaire du fait que la pornographie est une organisation criminelle qui exploite la haine des femmes et produit de la violence sexiste et raciste", commente Lorraine Questiaux, avocate du Mouvement du Nid, à l'origine de la procédure avec les associations féministes Les Effrontées et Osez le féminisme, dans les colonnes du Monde.
"Il est grand temps que cesse cette zone de non-droit qu'est l'industrie pornocriminelle", martèle Osez le féminisme dans un communiqué. "Nous réclamons la Justice. Nous réclamons également que les acteurs institutionnels se réveillent et prennent la mesure du problème".
Les militantes énumèrent "les pénétrations sexuelles obtenues sous contrainte, les violences sexuelles et les actes de torture infligés, les manipulations commises contre des femmes rabattues et piégées, les diffusions incontrôlées des vidéos sont la norme de cette industrie criminelle." Industrie que certaines actrices aussi critiquent sévèrement.
Interrogée par BFMTV le 14 juin, l'actrice et réalisatrice porno Nikita Bellucci se souvient de sa propre expérience. "J'ai travaillé pour Jacquie et Michel en 2012. Le caméraman est d'ailleurs en prison dans le cadre de l'affaire French Bukkake (...) Ce fameux caméraman, en marge d'un salon, a servi de l'alcool, et une fois que tout le monde était un peu éméché, a allumé la caméra. En plein milieu de cette scène, le réalisateur a réalisé un acte sexuel sur moi".
Acte qu'elle ne considère pas comme un viol, précise celle qui exige des excuses de l'entreprise pour ses victimes, mais qui révèle des pratiques accablantes. "Le consentement ne s'obtient pas avec une bouteille d'alcool". Et de lancer : "Il faut que cela cesse définitivement."
Si elle ne met pas toutes les plateformes dans le même sac, défendant un porno "éthique" qui est "en fait un porno normal, où on prend soin des gens", elle affirme sans détour que le site amateur n'appartient en aucun cas à cette catégorie. Et pour cause.
"Ils (Jacquie et Michel, ndlr) ont inventé un modèle de production avec des scènes achetées à bas prix. (...) Avec ce genre de tarifs, forcément il va y avoir des dérives. Ils vont donner tout ça à des sous-mains, des petits réalisateurs, qui sont tout simplement des prédateurs", constate-t-elle. Ce qu'appuie la réalisatrice et ancienne actrice Liza Del Sierra au média. "Il y a un problème. Sous couvert d'amateur, on se permet de faire n'importe quoi."
Pour l'association Osez le féminisme d'ailleurs, "le 'porno amateur' est un vaste mensonge. Seul existe un système de proxénétisme organisé." Et le collectif de conclure : "La révolution #MeToo n'aura pas lieu si nous ne rendons pas justice aux victimes du pire système de violences masculines. La révolution #MeToo n'aura pas lieu tant que la pornographie, outil de propagande patriarcale, continuera à propager le pire de la culture du viol."