"Quand on m'a proposé de tourner une scène pour Jacquie et Michel, j'ai d'abord trouvé ça marrant...". C'est le témoignage nécessaire du jour : celui de Karima, qui raconte du côté de 20 Minutes son calvaire, vécu il y a quelques années lors d'un tournage pour la fameuse boîte de production de porno française. Propos déplacés, irrespect du consentement, cauchemar pour les comédiennes... Les faits accablants abondent à l'encontre de Jacquie & Michel, qui fait désormais l'objet d'une enquête du parquet de Paris pour "viols" et "proxénétisme", suite à un signalement des associations féministes Les Effrontées, Osez le Féminisme ! et Le Mouvement du Nid.
Pour Karima, cela commence par le choix de son pseudonyme d'actrice : après lui avoir demandé si elle avait des enfants, le réalisateur choisit de lui attribuer le nom de sa propre fille. Le lieu de tournage ? Une maison de banlieue parisienne "un peu glauque". La suite est pire encore. La femme de 43 ans poursuit : "On est descendus dans une cave. Il y avait trois mecs. J'ai dit que je ne voulais pas autant d'acteurs. Ils ont répondu que les caméras étaient déjà installées". Les portes se referment dès lors pour l'interlocutrice, apeurée et sous pression.
C'est ensuite un récit de viol que narre Karima. "J'ai fini par me laisser faire. Ils m'ont salie. Je suis passée pour une grosse salope. Chacun à leur tour... Ils m'ont imposé des... des trucs que je ne voulais pas. Ils m'ont dit : Même si tu n'aimes pas ça, fais semblant de prendre du plaisir !". Une scène effarante où plane une sidération que la jeune femme évoque volontiers ("Je ne savais pas où j'étais. J'étais un peu choquée", dit-elle).
Un trauma qui, hélas, n'étonnera pas celles et ceux qui suivent les accusations relatives au studio.
Et, notamment, les lectrices et lecteurs de l'édifiante enquête du journaliste Robin d'Angelo pour les éditions Goutte d'Or, Judy, Lola, Sofia et moi. Immergé au sein des productions Jacquie & Michel, l'auteur relatait des situations tout aussi écoeurantes : racisme banalisé, violences diverses, pressions professionnelles lors du tournage de scènes "improvisées", mépris du consentement des hardeuses pros ou amatrices. Et tout cela plus ou moins justifié par les responsables. "Avant le tournage, un producteur m'a même dit que la fille ne savait pas exactement ce qu'il allait lui faire aujourd'hui car il voulait avoir sa réaction spontanée", nous racontait en ce sens le journaliste.
C'était il y a deux ans déjà. Cela n'a pas empêché ce véritable système d'oppression de perdurer. Et en dehors des tournages, le cauchemar continue pour celles qui sont passées devant la caméra. Car, comme le déplore Karima, les séquences ne cessent d'être diffusées et rediffusées sur les sites pornographiques. Le droit à l'oubli semble s'égarer, et ce malgré les protestations des principales concernées. "Cela me poursuit parce que la vidéo continue de tourner sur Internet, encore et encore, et je ne sais pas quand cela va s'arrêter", s'attriste-t-elle.
Reconnue dans la rue, Karima a même dû déménager afin d'éviter les insultes... ou les crachats. Elle n'est pas seule à endurer ces épreuves. De nombreuses hardeuses en ont témoigné pour Konbini en début d'année. Scènes très "hardcore" non évoquées aux actrices (comme les doubles pénétrations), soupçons de proxénétisme, actes non consentis, peur de dire "non", manipulation systématique de jeunes femmes "innocentes et inconscientes"... Les histoires se suivent et se ressemblent. Mais à quand la fin de l'impunité ?