Depuis quelques mois, de nombreuses auditions au sujet des violences sexuelles ont lieu à l'Assemblée Nationale. Il y a quelques jours, dans cet article, nous vous parlions de l'audition de la journaliste Raphaëlle Bacqué, venue raconter les résultats de son enquête sur l'affaire Depardieu. C'était dans le cadre d'une séance d'audition de la commission d'enquête sur les violences sexuelles dans le milieu du cinéma.
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Le 28 novembre 2024, la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a organisé une table ronde sur "la réponse judiciaire aux violences sexistes et sexuelles". À cette occasion, des professionnelles et des représentantes associatives ont été entendues. Parmi elles, la journaliste Giulia Foïs.
En 2000, un homme a violé Giulia Foïs dans sa propre voiture, sur un parking d'Avignon. Elle le raconte dans son livre sorti en 2020 intitulé "Je suis une sur deux". Le violeur, "un père de famille qui payait ses impôts", comme elle aime le préciser pour briser le cliché raciste de l'agresseur étranger, a été acquitté. C'est de cette décision de justice que la journaliste est venue parler lors de son audition auprès de la délégation de l'Assemblée Nationale. Pour montrer les failles de la justice française face aux affaires de violences sexuelles, qui agit bien trop souvent comme une deuxième peine pour les victimes.
"Quand on me dit justice, c'est marrant, mais moi quand ça m'est arrivé j'y croyais beaucoup, dit Giulia Foïs. J'ai fait tout ce qu'on m'a demandé. Il a été acquitté et moi j'ai été broyée une deuxième fois." C'est cette expérience qui la pousse aujourd'hui à dire "je ne suis pas sûre" quand on lui demande si une victime de viol doit aller porter plainte.
"Il faut qu'elle ait un peu d'argent, voire beaucoup, il faut qu'elle soit très bien entourée, il faut qu'elle s'apprête à perdre parce que la réalité c'est que selon toute vraisemblance déjà elle a 1 chance sur 2 que sa plainte ne soir pas reçue au commissariat, argumente la journaliste. Elle a 9 chance 10 pour que sa plainte soit classée sans suite et ensuite, quand elle arrivera dans l'arène judiciaire, elle a de fortes chances de se faire tout simplement maltraiter. Suffisamment pour que 25 ans après, quand je vous en parle, j'ai encore la gorge nouée."
Giulia Foïs a également fait remarquer que l'assemblée présente lors de son audition la confortait dans son scepticisme face au fait que la justice puisse un jour être à la hauteur des violences subies par les victimes de violences sexuelles.
"Je me demande encore ce que je fais là, dans une salle quasiment vide, dans laquelle il n'y aucun homme, a-t-elle souligné. Donc en fait, le fond, c'est qu'on s'en fout un peu, qu'on s'en fout de nous, de ce qui nous arrive après, comment on se remet d'une deuxième gifle, d'un deuxième déni qui, cette fois-ci, est institutionnel. (...) Moi ce qu'on m'a raconté quand j'avais 23 ans c'est en fait non seulement on peut te violer statistiquement, mais en plus on a le droit de le faire." Au sujet de l'acquittement de l'homme qui l'a violée, elle le dit sans mâcher ses mots : "c'est un second traumatisme".
En colère contre la justice, Giulia Foïs a toutefois expliqué sa présence par un acte de sororité. "J'y vais pour toutes celles qui, pour pleins de raisons, n'ont pas pu porter plainte ou dont la plainte a été classée sans suite, qui n'ont pas été entourées comme je l'ai été, explique-t-elle. J'y vais pour elles, mais pour moi je ne serais pas venue."