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

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
"Après un viol, il faut trouver la force de rire, la vie continue"
Caroline Vigneaux s'exerce à poser des mots, sur scène, sur les violences sexuelles dont peuvent témoigner bien des femmes en France. L'humoriste au passé d'avocate, dont le nouveau spectacle est à découvrir au Grand Rex du 20 au 22 mars, a été victime de deux viols.
Mais aujourd'hui, elle rappelle à Public Sénat sa position compliquée d'artiste : elle n'a pas envie d'être "l'humoriste qui a été violée". Et désire s'émanciper de sa condition de victime de violences sexuelles.
Il faut l'écouter en parler.
Parler des violences sexuelles sur scène, thème trop rarement abordé dans le stand up, mais sans s'y assigner à vie. A Public Sénat, l'artiste féministe témoigne : "Ma grande peur, c'était qu'on dise de moi : tiens, c'est la femme humoriste qui a été violée..."
"Etre déterminée par : l'humoriste qui a subi deux agressions sexuelles, qui a été violée... Non. Mon viol ne me détermine pas". Et l'humoriste de poursuivre sur le même ton : "Après un viol, il faut trouver la force de rire parce que la vie continue". Réflexion d'autant plus complexe quand les agressions sexuelles doivent être évoquées entre deux rires du public.
Caroline Vigneaux a 26 ans seulement lors que le meilleur ami de son ex compagnon s'invite chez elle simplement "pour dormir". Durant la nuit, à son domicile, l'humoriste sera réveillée dans son lit par cet homme. Elle s'en rend alors compte : celui-ci est en train de la violer.
"J'ai subi deux agressions sexuelles complètement aléatoires. Dans la rue, et un viol par quelqu'un que je connaissais. Avant ce viol, je me suis dit, c'est un ami, alors pourquoi je serais en danger ?", a témoigné l'humoriste à nos confrères de franceinfo.
Sur le moment, Caroline Vigneaux est tétanisée. Paralysée, bien qu'éprouvant une grande souffrance physique. Elle est consciente de ce qu'il se passe mais ne peut pas crier. Par définition, comme tant d'autres victimes, elle subit la sidération.
"... Et je n'ai jamais porté plainte...... Alors que je suis avocate, que je suis une femme forte et je n'ai pas trouvé le courage d'affronter ce qu’affrontent les femmes qui vont porter plainte. À savoir, la justice, le pourquoi, les questions..."
Entre les lignes, on reconnaît là une forme de culpabilité, indissociable d'un phénomène déplorable : le victim blaming - cette remise en question de la parole des victimes, suscitant l'inversion de la culpabilité victime/agresseur, qui devient une culpabilisation internalisée chez les principales concernées.
"Je voulais en faire rire de ces agressions sexuelles, dans mon spectacle pour laisser un message fort qui est : ça ne nous détermine pas. Et laisser un message aux agresseurs : malgré ça, on va continuer à rire, vous n'allez pas foutre complètement notre vie en l'air ! Aujourd'hui je dis que je suis féministe, et que je vais parler des violences sexuelles dans un lieu qui est mon lieu, mon spectacle"