Il est le symbole d'une société malade. Le procès de Gérard Depardieu devait s'ouvrir en octobre 2024 et a finalement été reporté au mois de mars 2025. Selon l'avocat de l'acteur, ce dernier serait très affaibli. Bichette... Comme on vous l'expliquait dans cet article, la décision de ce report a scandalisé ses victimes présumées. Mais en attendant de retrouver Depardieu sur le banc des accusés, d'autres instances se penchent en détail sur les agressions sexuelles dont il est accusé.
Après les accusations de l’actrice Judith Godrèche contre les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon, une commission d'enquête sur les violences dans le cinéma a été mise en place par l'Assemblée Nationale. Les auditions ont commencé en mai 2024, mais ont été brutalement interrompues après la soudaine dissolution de l'Assemblée par Emmanuel Macron. La fameuse belle idée du printemps dernier...
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Alors que les auditions ont repris en octobre, celle du 21 novembre était destinée à entendre les témoignages et expertises de plusieurs journalistes. Parmi eux, Raphaëlle Bacqué, co-autrice du livre "Une affaire très française" (Ed. Albin Michel), publié le 3 avril 2024. Forte de cette enquête réalisée avec Samuel Blumenfeld, la journaliste a dressé le portrait glaçant d'un prédateur sexuel agissant en toute impunité, dans le confort du silence de "la France entière".
"Est-ce que les équipes étaient au courant ? Mais pas que les équipes ! La France entière était au courant, affirme Raphaëlle Bacqué. On a retrouvé des tas de reportages qui sont diffusés au journal de 20h où on voit Gérard Depardieu distribuer des mains aux fesses, tenir ces propos graveleux. Et je ne parle pas des récentes images diffusées par Complément d'Enquête, mais des images qui datent des années 80 au moment où il est au fait de sa gloire."
Le 7 décembre 2023, l'émission Complément d’enquête a en effet diffusé, sur France 2, un documentaire accablant sur l'acteur. En plus des accusations d'agressions émises par plusieurs femmes à son encontre, on suit également Depardieu lors d'un voyage en Corée du Nord en 2018, en compagnie de l’écrivain Yann Moix. Un déplacement au cours duquel il enchaîne les réflexions sexistes et racistes sur les femmes qu'il rencontre, y compris les mineures.
Raphaëlle Bacqué a ensuite expliqué les raisons qui, selon son enquête, explique que Depardieu a pu agresser des femmes pendant si longtemps alors que tout le monde était au courant de ses agissements. "Il peut jouer la mort de Cyrano et vous faire pleurer d'émotion, et dans la minute où la caméra est éteinte, il peut mettre sa main dans la culotte de la maquilleuse, raconte la journaliste. (...) Il était à la fois très puissant -sur son nom pouvait se monter des films- et très admiré. Je pense que l'admiration est un élément très important. S'il avait été un acteur médiocre, il aurait été viré des tournages parce que son comportement était insupportable, mais comme tout le monde trouvait qu'il était extraordinaire -ce qu'il était- on fermait les yeux."
C'est cette admiration qui, selon Raphaëlle Bacqué, a permis à Depardieu d'agir en toute impunité. "Il a rendu complices des équipes entières parce qu'il s'est rarement caché, poursuit la journaliste. (...) Il peut vous dire un très beau poème et vous dire quelque chose d'ignoble derrière et il en rit, et il fait rire le public. Le public c'était généralement les équipes de tournage. (...) Au fond, personne ne parlait pace que tout le monde avait été complice, personne n'avait été choqué, tout le monde considérait qu'il était rabelaisien, qu'il était tellement drôle, que c'était ça Depardieu, que ça allait avec son talent."
Une autre journaliste a été entendue lors des auditions du 21 novembre. Laure Adler, a témoigné du comportement de Gérard Depardieu lorsqu'il était plus jeune et de l'insouciance des personnes autour de lui. "Tout le monde savait qu'il draguait les filles, il le faisait au vue et au su de tout le monde, mais tout le monde, y compris les filles, y compris moi, on se marrait parce qu'on voyait qu'il était complètement saoul au festival de Cannes, raconte la journaliste. On savait dans quel restaurant il allait terminé la nuit mais ça nous faisait rigoler, on ne comprenait même pas ce qui était entrain de se passer."
À l'issu de ces témoignages, si l'on comprend bien que tout le monde savait ce que Gérard Depardieu faisait, Raphaëlle Bacqué nuance. "Tout le monde savait, ça ne veut rien dire. Tout le monde voyait le comportement de Depardieu mais tout le monde ne mettait pas le bon mot sur le comportement de Depardieu, précise la journaliste. C'était ça le problème. Tout le monde voyait que Depardieu mettait la main aux fesses, hommes et femmes confondus, mettait les mains dans la culotte, mais personne n'appelait ça agression sexuelle. À partir du moment où ce n'est pas formulé, où tout le monde rit, ou lui même rit, parfois la victime rit parce qu'elle est prise de court, personne ne met le mot agression donc les gens savent sans savoir." En tout cas, maintenant tout le monde sait pour de vrai.