Jeanne Mas n'a pas chanté sa dernière chanson, ni dit son dernier mot. Au contraire ! Elle est plus éloquente que jamais dans le long portrait que lui a dédié "Libération". Engagée, indignée, intime : on reconnaît bien là la voix de celle qui a bousculé son monde au temps de "Toute première fois".
La chanteuse n'est pas seulement troublante par ses mythiques looks et ses paroles cryptiques. Dans "Libé", on la découvre également poignante et intime. Jeanne Mas y témoigne notamment des violences sexuelles qu'elle a subi, durant sa jeunesse. Des souvenirs très douloureux. A l'heure de son ultime tournée, elle partage ce traumatisme. Pudiquement, elle explique au gré de ces lignes avoir vécu une "enfance difficile".
Et décoche une tirade qui pourrait agacer - et tant mieux - ceux qui associent le féminisme à une "haine des hommes" : "Je ne suis pas contre les hommes, je suis pour qu'on les éduque". CQFD ?
Ces violences sexuelles, Jeanne Mas les aborde avec subtilité. Elle affirme refuser la notion de "victime" - un mot qui peut faire débat au sein des militances féministes, notamment auprès... Des victimes de violences sexuelles, justement. Elle raconte précisément pourquoi : "Mon agresseur a eu le pouvoir du corps, il n'aura pas le pouvoir sur ma tête". Ne pas employer ce terme est pour elle une nécessité psychologique.
C'est une approche très personnelle, et dont témoignent bien des victimes, vouant à ce terme un point de vue forcément complexe émotionnellement parlant. Ce qui n'empêche pas du côté de Jeanne Mas une parole plus vindicative, comme lorsque l'artiste s'exprime sur l'inscription de l'IVG dans notre Constitution, et le fait que certains, comme le Président du Sénat par exemple, s'y opposent farouchement. L'artiste tacle : "Je ne veux pas qu'une bande de vieux mâles puissent décider !".
Voilà qui est dit ! On pense spontanément à une autre idole des années 80, Sophie Marceau. L'actrice décochait récemment à ce sujet en s'adressant à Gérard Larcher : "Bien sûr que l'IVG est menacée ! Comme le sort des femmes qui ne peuvent y avoir recours et que vous mettez en danger de mort... Tant qu'il y aura des hommes comme vous, nous serons toutes en danger ! Vous représentez le patriarcat dans toute sa splendeur : suffisant, rétrograde et hypocrite. Vous faites honte à notre société française"
Deux paroles libres et sans concessions. Rappelons à ce propos qu'en janvier dernier, le texte en faveur de l'inscription de l'IVG de la Constitution a été validé à l'Assemblée nationale, à raison de 493 voix pour, et 30 voix contre. Cependant, pour que le passage de texte soit effectif, il exige non seulement une approbation majoritaire de l'assemblée... mais aussi du Sénat. Jeanne Mas, comme beaucoup, est sur le qui-vive.