Portée par la performance de Carrey Mulligan, le Promising Young Woman de l'actrice et réalisatrice Emerald Fennell rafle retours critiques élogieux, nominations aux Oscars et récompenses prestigieuses. Mais un micro-événement surprenant bouscule quelque peu la diffusion de ce film ouvertement féministe.
A savoir ? Le doublage italien de l'une de ses comédiennes, et pas la moindre : l'actrice transgenre américaine Laverne Cox. En Italie, c'est effectivement un homme cisgenre qui double la star, particulièrement remarquée pour sa performance dans la série carcérale Orange Is the New Black. Pour doubler celle qui incarne le rôle de Gail dans le film de la britannique Emerald Fennell, c'est l'acteur italien Roberto Pedicini qui a été choisi.
Une nouvelle rapportée par le Guardian, et qui a immédiatement suscité des réactions, en Italie, et ailleurs. Universal Pictures, la boîte chargée de la distribution internationale du film, s'est exprimée à l'unisson : "Nous sommes profondément reconnaissants à Laverne Cox et à la communauté transgenre de nous avoir ouvert les yeux sur un préjugé que ni nous, ni beaucoup de gens de notre industrie, n'avions reconnu jusqu'alors".
Un mea culpa qui laisse perplexe.
"Nous sommes désolés pour la douleur causée, mais nous sommes reconnaissants de pouvoir aborder la situation sur ce film et d'éviter que des erreurs similaires ne se reproduisent sur de futurs projets", poursuit le communiqué cité par le journal britannique. Sans forcément ajouter davantage d'informations sur le pourquoi du comment de ce choix de doublage peu compréhensible. Ou plutôt, comme l'énonce le site Refinery29, sur "cette décision de casting transphobe" qui incite à une prise de responsabilité des studio "pour le doublage des voix transgenres".
Une décision largement fustigée sur les réseaux sociaux. "Je ne suis pas trans, mais il semble que si vous allez incarner un personnage de femme transgenre et que vous ne pouvez pas, pour une raison étrange, comme si elles étaient toutes occupées ce jour-là, demander à une femme trans de le faire, lancez une femme cisgenre, puisque les femmes trans sont des femmes", décoche une internaute. "Je ne parviens pas à comprendre le processus de réflexion derrière ça. Comment peut-on penser que c'est normal pour un homme de doubler une femme dans cette situation ?", se questionne une autre.
A raison. Pour le Guardian, ce genre de choix illustre le caractère un brin réac de la tradition du doublage en Italie. Preuve en est, ces propos plutôt lunaires rapportés de Daniele Giuliani, président de l'Associazione Nazionale Attori Doppiatori (association professionnelle dédiée au domaine du doublage en Italie) : "Nous n'avons jamais employé de comédiens de doublage noirs - non pas parce que nous ne voulons pas d'eux, mais parce qu'il n'y en a pas qui se sont spécialisés dans ce domaine". Ah bon.
Pour le journal britannique, le secteur du doublage en Italie a toujours privilégié les voix blanches et cisgenres. A en croire Daniele Giuliani toujours, l'exigence d'inclusion "saperait le travail" des professionnels de la chose. Des mots qui suggèrent que la décision transphobe qui scandalise aujourd'hui n'est que la face émergée de tout un système.