Faut-il encore présenter Malala Yousafzai ? Il y a trois ans, le magazine Teen Vogue la consacrait Une à l'appui en Figure de l'année et "militante citoyenne la plus célèbre au monde". Normal. Il faut dire qu'à seulement 25 ans, celle que beaucoup surnomment simplement "Malala" est un symbole de lutte mondialement reconnu dédiant sa force aux droits des femmes pakistanaises. Et la plus jeune lauréate du prix Nobel de la paix. Excusez du peu.
Et la principale concernée n'hésite pas à le rappeler, à raison. Ainsi, celle qui s'est toujours battue pour la scolarisation des jeunes filles s'est réappropriée le fameux mème "This Barbie is...", devenu viral sur la Toile - aussi bien auprès des spectatrices et des cinéphiles que de la communauté LGBTQ - en mettant en avant cette punchline : "Cette Barbie a un Prix Nobel de la Paix !".
Il s'agit dans le cas de la photo partagée par la jeune femme, où figure également son mari Asser Malik (qui est "juste Ken"), d'une déclinaison du "Générateur de Selfies Barbie", qui permet d'intégrer sa photo de profil à un filtre Barbie, détournant l'affiche du film. Et "Malala" a décidé non sans autodérision d'en faire un véritable outil politique !
Malin.
On peut vraiment dire que la folie suscitée par le succès phénoménal de la comédie de Greta Gerwig n'est pas prête de s'arrêter. Et pour cause : quand une jeune fille dont le militantisme a suscité l'ire des talibans - ils tenteront de l'assassiner en 2012, et Malala Yousafzai échappera de peu à la mort - se met elle aussi à se présenter comme une Barbie, comment dire ? On touche à quelque chose qui dépasse le simple jouet.
Est-ce vraiment si absurde de voir cette brillante militante passée par Oxford cligner de l'oeil au hit cinématographique du moment, l'un des plus puissants jamais réalisés par une femme cinéaste ? Peut être pas.
Dans son film hyper pop, Greta Gerwig parle ouvertement du patriarcat, et des violences sexistes qu'un tel système a pu engendrer, sans oublier d'aborder les discriminations - professionnelles, sociétales. Derrière l'objet marketing, on observe une ironie grinçante, très personnelle, qui saisit une réalité certaine.
A travers le symbole très évocateur et quasiment schématique des Barbie et des Ken, du rose et du bleu, elle évoque aussi l'éclosion des stéréotypes de genre dès le plus jeune âge - l'audience qui adopte ces jouets.
Et surtout, elle aborde la manière dont les jeunes générations s'y émancipent. Si elle n'a pas partagé son opinion sur le film, Malala Yousafzai aurait certainement son mot à dire à ce sujet, à n'en pas douter.
Car ce n'est pas tant de poupées qu'il est question ici, mais plus globalement, d'inspiration. Entre le lancement d'un fonds solidaire pour l'éducation de ses concitoyennes et l'initiation du "Malala Yousafzai Scholarship Act", proposition de loi ayant pour but d'augmenter le nombre de bourses disponibles pour les femmes pakistanaises au cours de leurs études, "Malala" est la figure par excellence d'éveil des jeunes générations.
Dans les commentaires (abondants) de la photo sur Twitter, nombreux sont les followers à réclamer une "Barbie Malala" d'ailleurs, emojis coeurs à l'appui. On serait très loin de la "Barbie stéréotypée" incarnée par Margot Robbie.
Mais des "Barbie" comme ce Prix Nobel de la Paix, c'est certain, bien des jeunes filles en ont besoin. Et pas seulement.