La littérature pour enfants est toujours une aventure en soi. Par la liberté d'écriture de celles et ceux qui la font, et l'enthousiasme de celles et ceux qui la lisent. Mais au sein de ce panorama, l'on trouve également de vrais récits d'exploration, déployant de vastes mondes aussi fantaisistes que féeriques. Qu'ils soient marins ou célestes, merveilleux ou oniriques, ces univers sont source d'évasion et de contemplation. Mais aussi de rires et de frissons.
Partir à la conquête de ces romans d'aventures, c'est (re)visiter bien des classiques de la littérature tout court. Et cette richesse n'échappera certainement pas à votre progéniture. Petit idéal de bibliothèque en huit grands livres.
Notre patrimoine regorge de récits d'imaginaire indémodables, des mots de Théophile Gauthier à ceux de Gaston Leroux. Parmi eux, les explorations (pas si) fantasques de Jules Verne, telles ces Vingt mille lieues sous les mers dont l'adaptation à l'écran (sous l'égide de Walt Disney) hante encore toutes les consciences. Raison de plus pour en revenir à la source en (re)découvrant les aventures du Capitaine Nemo, fascinant personnage au volant de son Nautilus, ce sous-marin qui nous embarque partout - des profondeurs de l'Atlantide au Pôle Sud. Un voyage inoubliable.
On dit du premier tome de la saga Eragon qu'il fut écrit par l'auteur américain Christopher Paolini alors que celui-ci avait quinze ans seulement. Ce qui expliquerait pourquoi ce néo-classique de l'heroic fantasy a su captiver le jeune lectorat à l'international, s'imposant comme un phénomène de la littérature young adult. Publié au début des années 2000, période riche en best-sellers imaginatifs pour ados (Twilight, Hunger Games), Eragon happe par la relation exceptionnelle qu'il narre - ce lien qui unit le jeune homme éponyme à sa dragonne Saphira. Un dragon emblématique, avant que la série Game of Thrones ne vienne redonner à la créature ses lettres de noblesse.
Moins cruel que Charlie et la chocolaterie, plus poétique que La potion magique de Georges Bouillon, mais aussi foisonnant que le plus méconnu Charlie et le grand ascenseur de verre, James et la grosse pêche est idéal pour qui souhaiterait s'initier à la littérature tour à tour croquignolesque, délurée et onirique de Roald Dahl.
L'on y retrouve tous les ingrédients qui composent son univers : des chansons et de l'irrévérence, du nonsense so British et une narration dynamique, des enfants seuls au monde et de drôles de créatures - en l'occurrence, ici, des insectes bien bavards. L'histoire ? Baladé au creux d'une pêche géante (tout est dans le titre), l'orphelin James Henry Trotter (dont les parents se sont fait tuer par un rhinocéros, oui oui), parcourt ciels et mers aux côtés de ses curieux amis. D'irrésistibles aventures d'où émane une certaine mélancolie douce, propre à l'enfance.
"À quel point ce personnage hantait mes rêves, j'ai à peine besoin de le dire. Par les nuits de tempête, quand le vent secouait les quatre coins de la maison et que le ressac rugissait le long de la crique et montait à l'assaut des falaises, je le voyais sous mille formes et avec mille expressions diaboliques. Tantôt la jambe était coupée au niveau du genou, tantôt à la hanche ; tantôt c'était une sorte de créature monstrueuse qui n'avait jamais eu qu'une seule jambe, celle-ci au milieu du corps..."
Ce que l'on retient le plus de l'épopée pirate feuilletonnée de Robert Louis Stevenson, ce n'est pas tant son narrateur, le jeune Jim Hawkins, témoin et confident d'un monde à part entière, mais tous ces loups de mer aussi charismatiques qu'obsédants qui croiseront sa route - de Billy Bones à Long John Silver. Pathétisme et fascination recouvrent ces descriptions de figures marginales. De sacrées icônes littéraires, qui captivent toujours autant les enfants - notamment parce que la saga Pirates des caraïbes est venue leur redonner un petit coup de frais.
Les Royaumes du Nord jouit-il vraiment de la même popularité que la saga des Chroniques de Narnia ? Toujours est-il que les ouvrages exigeants de Philip Pullman ne dépareillent pas dans toute bonne bibliothèque aventureuse qui se respecte. Derrière ces titres mystérieux à l'attrait allégorique (La Tour des anges, Le Miroir d'ambre, Lyra et les Oiseaux) se dévoilent de très dépaysantes immersions aux quatre coins de territoires imaginaires. Non contentes de parasiter le réel, les histoires de Pullman mélangent les temporalités, comme pour mieux dérouter son lectorat, l'inciter à déchiffrer les cartes d'un monde au sein duquel il s'égare volontiers.
Vous connaissez assurément Max et les maximonstres (Where the wild things are pour les anglophones), pierre angulaire de la littérature de jeunesse transgressive, mais vous êtes-vous déjà plongé·e dans Cuisine de nuit ? Vos enfants risquent bien d'adorer. Hommage nostalgique à Little Nemo (un chef d'oeuvre de la bande dessinée daté des années trente), cet album très graphique réunit ce qui rend la littérature de Maurice Sendak si unique : des illustrations qui flamboient et font rêver, au service d'une captation de l'enfance sans filtre ni jugements. Avec en sus - et on ne boudera pas son plaisir - de savoureuses évocations culinaires - oui oui, d'où le titre.
Si vos kids ont aimé Jumanji, ils adoreront Zathura : cet album - lui aussi adapté à l'écran - est l'oeuvre du même auteur, le trop méconnu mais brillant Chris Van Allsburg, lauréat de la médaille Caldecott - laquelle récompense les meilleurs auteurs et autrices de livres pour enfants. A l'instar du plus familier Jumanji, Zathura est un étrange jeu aux incidences surréalistes. Et nos deux jeunes protagonistes le comprendront bien malgré eux en se retrouvant expédiés... dans l'espace. Ni plus ni moins. De quoi engendrer des scènes d'excursion merveilleuses et contemplatives. A noter que l'on doit aussi au très prolifique Van Allsburg l'album Boréal Express, autre classique aux esquisses féeriques, plus connu sous le nom de Pôle-Express. A réserver pour des soirées plus hivernales.
"Il était sept heures, par un soir très chaud, sur les collines de Seeonee. Père Loup s'éveilla de son somme journalier, se gratta, bâilla et détendit ses pattes l'une après l'autre pour dissiper la sensation de paresse qui en raidissait encore les extrémités. Mère Louve était étendue, son gros nez gris tombé parmi ses quatre petits qui se culbutaient en criant, et la lune luisait par l'ouverture de la caverne où ils vivaient tous..."
Le "petit d'homme" Mowgli, le tigre Shere Khan, l'ours Baloo, la panthère Bagheera... Le bestiaire de Rudyard Kipling occupe notre esprit à l'instar de cette jungle foisonnante qu'il saisit de ses mots, l'espace des quelques nouvelles qui constituent ce Livre du dix-neuvième siècle revisité au cours des années soixante par Walt Disney.
On aime à lire l'auteur britannique et son génie accessible à tout public, surtout quand il écrit que "les hommes ne sont que des hommes, et leur bavardage est comme le babil des grenouilles dans la mare". Pour rester dans le même ton, celui de la fable à ambition morale, l'on recommandera fissa le lecture des belles Histoires comme ça.