Laëtitia Casta, Catherine Deneuve, Brigitte Bardot ou encore Inès de la Fressange : depuis 1970, et ce après quasi deux siècles à laisser libre court à l'imagination du sculpteur, Marianne, toujours coiffée de son bonnet phrygien, est inspirée d'une personnalité. Une figure qui représente la France et la République, selon celles et ceux qui la sélectionnent, et trône dans toutes les mairies du pays.
Oui mais voilà, force est de constater qu'un seul visage est loin de faire honneur à la diversité des citoyennes. Et c'est justement ce qu'a souhaité changer le collectif Obvious, spécialisé dans l'utilisation de l'intelligence artificielle pour créer des oeuvres d'art. Hugo Caselles-Dupré, Pierre Fautrel et Gauthier Vernier, ses fondateurs, sont ainsi partis du constat que Marianne manquait de modernité et de réalisme face à la pluralité de la population. En outre, elle ne reflète pas non plus les luttes de son temps.
"Souvent, Marianne est choisie pour sa plastique ou pour sa carrière", remarquent Pierre Fautrel et Gauthier Vernier face aux caméras de Simone Media, "et on trouve que c'est un peu passé, et surtout pas très représentatif". Ils évoquent également vouloir insuffler à l'emblème une symbolique plus engagée, notamment en incarnant le combat pour l'égalité que mènent les femmes et le courage de celles-ci "dans notre société".
Le concept "consiste donc à récolter des images de Françaises, et de demander à l'intelligence artificielle de créer la femme française représentative de l'ensemble de ces femmes, dans leur diversité autant que leur concordance. Le résultat ne ressemblera à aucune des photos récoltées (et supprimées dès le projet terminé, ndlr), mais l'IA aura utilisé chaque photo pour la réalisation de l'oeuvre finale", détaille Obvious. Ambitieux et réjouissant. Et ouvert à toutes.
Alors concrètement, comment fait-on pour participer ? Il suffit de se rendre sur la plateforme dédiée, intitulée "Nous sommes Marianne". Une fois connectée, on se place avec sa webcam ou son smartphone devant un mur blanc, le visage dégagé et sans lunettes (façon photo d'identité), et on appuie sur "Je participe". Le site tire notre portrait et c'est dans la boîte : notre doux minois contribuera à l'élaboration de la nouvelle Marianne.
Une Marianne algorithmique, comme la décrivent ses créateurs, dont le seul critère de participation requis auprès des internautes est de s'identifier comme femme. Ensuite, plusieurs "Marianne" conçues par l'IA seront présentées aux contributrices, qui voteront pour le modèle qu'elles préfèrent. L'oeuvre finale sera proposée comme candidate pour être imprimée sur les prochaines éditions de timbres de poste. Il n'y a plus qu'à espérer que le résultat, fort d'une inclusivité nécessaire, soit sérieusement considéré par le service public.