On l'aime tant, Dev Patel. Et pas simplement parce que la star de Slumdog Millionnaire et The Green Knight a récemment déclaré sa flamme à Portrait de la jeune fille en feu, expliquant : "C'est le dernier film qui m'a fait pleurer. C'est tellement romantique. C'était bouleversant, constamment. Je n'ai jamais souhaité à ce point que deux personnes fusionnent ensemble". L'acteur aimerait même tourner avec Céline Sciamma !
Mais en attendant, il se remet d'un projet considérable qui a exigé de lui défis, préparation colossale et, il faut bien l'avouer, courage admirable. Car vous pouvez découvrir en salles le premier film en tant que réalisateur du comédien britannique d'origine indienne : Monkey Man. Il en est le rôle titre, le cinéaste, le scénariste... C'est un film d'action et de bastons qui ressemble furieusement à John Wick, la licence où excelle Keanu Reeves.
Sauf qu'entre deux séquences de corps à corps sanguinolentes à souhait et énervées comme jamais (indice chez vous : ça mord beaucoup, et aux pires endroits) Dev Patel délivre un discours politique audacieux et tout aussi... Enervé ! Oui oui. Car l'artiste a décidé d'aborder la cause LGBTQ sous couvert de gros divertissement.
Vous connaissez le slogan de manif, "Trans lives matter" ? C'est ce que revendique notamment sur son t shirt l'iconique actrice féministe Emma Watson, défenseure devant l'Eternel (et devant JK Rowling) des droits des personnes transgenres à travers le monde. Et bien, Dev Patel énonce précisément la même chose.
Dans son film d'action qui se déroule à New Dehli, le comédien associe la lutte de son protagoniste, qu'il incarne lui même, à un combat plus global et très sanglant contre l'injustice, les discriminations, la stigmatisation. Et plus précisément : contre la persécution des personnes transgenres en Inde. Mépris, violences, acharnement, fake news proprement idéologiques, système patriarcal et réactionnaire meurtrissant les minorités et marginalités : voilà ce qu'aborde Monkey Man, sans jamais cependant cesser de divertir.
La situation de la communauté trans en Inde semble complexe. D'aucuns disent que, mise à l'écart, elle suscite "crainte et vénération" de la part de la population : les personnes trans répondent par milliers au sein du pays. Cependant, les nombreux reportages ayant trait aux violences de genre qui ont cours en Inde donnent une petite idée du sort que subissent les personnes transgenres, n'échappant pas à la haine. Loin de là.
L'an dernier, la BBC relatait ainsi les réactions violentes engendrées par les internautes du pays à propos d'une publicité Starbucks mettant en scène une femme trans. "Certains ont affirmé que cette publicité était contre la culture indienne", observe le média britannique. Un autre reportage, celui de la drag queen Nicki Doll, alerte quant à la situation d'une communauté "contrainte à la mendicité et à la prostitution".
Dans Monkey Man, notre héros, bien décidé à venger sa mère d'un sombre passé, va trouver seul refuge et soutien en la personne... D'une communauté de femmes trans mise au ban de la société et menacée de mort. C'est la force de cette communauté qui lui permettra d'ailleurs de repartir de plus belle. Le réalisateur aborde aussi les lynchages engendrés par la transphobie. Il faut en avoir de l'audace, pour fustiger aussi ouvertement ce fléau haineux qui règne en Inde... Comme ailleurs.
Si le film est ultra excessif, un peu trop blindée d'influences pop, parfois tout à fait bordélique et pas toujours heureux visuellement, on ne peut s'empêcher de vouer un respect considérable à Dev Patel pour la tenue de ce discours évident. Les vies trans comptent. En Inde, et pas seulement.