Rencontre avec Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole de François Hollande
Publié le 13 mars 2012 à 16:16
Par Marion Roucheux
A 34 ans, elle est la porte-parole de la campagne de François Hollande. Adjointe au maire de Lyon, ancienne porte-parole de Ségolène Royal en 2007 puis pour les primaires PS de 2009, Najat Vallaud-Belkacem est l'un des visages emblématiques de la campagne. Rencontre.
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C’est dans un café qu’elle nous reçoit, son « second QG », à quelques mètres de celui, officiel, situé avenue de Ségur, où son équipe est mobilisée pour l’organisation de la campagne de « François ». Souriante, toujours un œil aux aguets sur son portable – « mon bureau virtuel » - et sur le fil AFP qui déroule les dernières news de la journée, elle répond avec concentration aux questions et choisit à chaque fois avec soin le mot juste. Car les mots de Najat Vallaud-Belkacem, ce sont aussi les siens à lui, ceux de François Hollande, qu’elle soutient et représente, et comme elle le confie, « votre parole ne vous appartient plus vraiment » lorsque vous acceptez le poste de porte-parole d’un candidat à l’élection présidentielle. Ce qui lui demande dans son quotidien d’adhérer à la fois « entièrement » aux propositions de François Hollande, tout en veillant en même temps à ne pas devenir « un objet formaté avec des éléments de langage ». « Je pense qu’il faut conserver son caractère, savoir dire les choses à sa façon », tout en respectant totalement la parole du candidat, commente-t-elle.

François Hollande ne conçoit pas la société française comme « des cibles électorales »

Et de la personnalité, cette jeune femme de 34 ans, mère de jumeaux, n’en manque pas. Issue d’une famille de sept enfants, née au Maroc puis arrivée en France à l’âge de 5 ans, Najat Vallaud-Belkacem a réalisé un parcours sans faute : diplômée de Sciences Po, elle est tour à tour conseillère générale Rhône-Alpes, conseillère nationale au Parti socialiste, porte-parole de Ségolène Royal en 2007 puis en 2009. Adjointe au maire de Lyon, Gérard Collomb, mais également conseillère générale du Rhône, elle est nommée en novembre 2011 porte-parole de François Hollande pour la course à l’Elysée et devient l’un des visages incontournables de la gauche dans la campagne présidentielle. « Je suis particulièrement heureuse de représenter un candidat qui a mis au cœur de son programme la question de la jeunesse et du progrès », sourit-elle. Autre sujet auquel elle est sensible : la question du droit des femmes. Alors que nous la rencontrons la veille du 8 mars, journée internationale des droits de la femme, Najat Vallaud-Belkacem réaffirme l’engagement de François Hollande pour l’égalité femmes-hommes. Le candidat a été « parfaitement clair sur l’égalité salariale, la lutte contre la précarité » ou encore « la revalorisation des salaires sur des secteurs d’activité spécifiques », soutient-elle. De là à présenter François Hollande comme le candidat le plus à même de répondre aux attentes de l’électorat féminin, la porte-parole reste mesurée : François Hollande ne conçoit pas la société française comme « des cibles électorales à conquérir mais comme un tout ». Pas question, donc, d’opérer des segmentations de l’électorat.

Assurer le service après-vente du candidat

Retour sur son rôle de porte-parole. Côté organisation, elle enchaîne les réunions stratégiques, les prises de parole dans les médias, les déplacements aux côtés du candidat... « Être porte-parole, ça ne s’improvise pas », confie Najat Vallaud-Belkacem, il s’agit de connaître ses dossiers, les chiffres et les éléments techniques tout en étant en permanence en veille et affuté explique la jeune femme, toujours un œil sur son portable. Outre déployer la parole de François Hollande, elle doit pouvoir répondre aux adversaires du tac au tac et assurer le service après-vente du candidat en toute circonstance.
Quant à la campagne qui se mène actuellement, la porte-parole reste prudente : « elle est plus dure qu’en 2007, mais nous sommes mieux armés », décrypte-t-elle. « Nous sommes face à une équipe sortante fébrile, aux abois », qui mène une campagne faisant appel aux « instincts les plus bas des électeurs », estime-t-elle. Mais François Hollande a une personnalité qui « se joue très bien des pièges qui lui sont tendus en permanence par le président sortant », juge Najat Vallaud-Belkacem, qui se félicite qu'il « garde son cap et ne se laisse pas entraîner » dans les polémiques. Un François Hollande qu’elle définit comme quelqu’un d’accessible, de « franchement sympathique », qui prend le temps de « donner des conseils ». « Il est très lucide sur la dureté de cette campagne » et « garde la tête froide », glisse-t-elle pour décrire son candidat. Deux qualités selon elle indispensables pour ne pas perdre le nord dans une campagne qui va à une allure folle. En effet, avec le développement des réseaux sociaux, des médias et des chaînes d’information en continu, l’actualité « change toutes les deux heures ». Difficile mais nécessaire dans ces conditions de se tenir au courant des moindres nouveautés et de « réagir vite », en occupant l’espace médiatique et en étant capable de répondre au camp adverse.

Un seul mot d’ordre au PS : la discipline

Par ailleurs, suite aux divisions au sein du PS qui ont marqué la campagne de 2007, un seul mot d’ordre dans le parti : la discipline. « Il y a un patron dans la campagne, c’est François Hollande », souligne Najat Vallaud-Belkacem, après avoir confessé que les divisions des socialistes cinq ans auparavant étaient pour beaucoup dans la victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle. Quand on aborde avec elle ces deux campagnes, vécues en tant que porte-parole de deux candidats socialistes successifs, Najat Vallaud-Belkacem évoque « deux expériences très différentes ». « Il faut avoir à l’esprit que Ségolène Royal n’était pas soutenue par l’ensemble de son camp et que le PS n’est pas totalement étranger à sa défaite », souffle-t-elle, se souvenant de l'échec de 2007. En 2012 François Hollande a la « légitimité incontestable » qui lui a été donnée par les primaires ouvertes où 3 millions de Français se sont prononcés. « Cela fait 17 ans que nous n’avons pas eu un président de gauche, nous ne pouvons pas nous permettre de manquer à nouveau le rendez-vous avec la France », souligne avec détermination la porte-parole. Une pugnacité nourrie par ses échanges avec les Français, qu’elle rencontre régulièrement lors de ses tractages sur les marchés. « Je ressens une grosse pression de leur part, ils nous en veulent d’avoir raté l’échéance des dernières élections présidentielles », raison pour laquelle la nécessité de se « rassembler » au sein du parti est « essentielle ». Un rassemblement aujourd’hui effectif derrière François Hollande : « c’est sa parole qui passe, cela permet au PS d’être audible et démontre que les socialistes sont prêts à gouverner », analyse Najat Vallaud-Belkacem.

« Chaque chose en son temps »

Quant à savoir si elle est optimiste pour l’issue des prochaines semaines de campagne, la jeune femme, prudente, préfère ne pas s’avancer. « J’ai vu de trop près le déficit démocratique dans le pays, confie-t-elle, et les Français douter du politique ». Consciente qu’un grand nombre d’entre eux n’ont pas encore fixé leur choix, Najat Vallaud-Belkacem n’élimine pas un « vote d’humeur » des électeurs, qui pourrait aussi bien ne pas profiter au PS. « Je n’exclus pas que le Front national puisse être présent encore au second tour », livre-t-elle. Mais elle semble prête à investir toute son énergie pour que ce ne soit pas le cas.
Et après la campagne ? Se voit-elle à un poste de ministre ou de proche conseillère de François Hollande ? Najat Vallaud-Belkacem l’assure, son objectif principal reste de parvenir à « être députée ». « Chaque chose en son temps », conclut-elle en souriant.

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