A la veille de la Journée de la Femme et à 45 jours de l’élection présidentielle, quatre candidats à l’Elysée ont répondu à l’invitation du collectif « Féministes en Mouvement », rassemblant une quarantaine d’associations féministes. Devant 1300 personnes réunies à la Cigale dans le XVIIIe arrondissement de Paris mercredi soir, s’est déroulée une soirée mouvementée, où le public n’a pas hésité à prendre à partie les politiques. Appelés à s’engager sur le droit des femmes et l’avancée de l’égalité femmes-hommes, Jean-Luc Mélenchon, Eva Joly, François Hollande et Philippe Poutou ont présenté leurs propositions sur ce sujet, se succédant au cours de la soirée, ponctuée par des sketchs et concerts.
Nicolas Sarkozy n’ayant pas répondu à l’invitation, les féministes ont démarré en décryptant le bilan de son quinquennat. Leur verdict a été sans appel : l’ensemble de ses politiques est une « catastrophe pour toutes les femmes ». « Nous voulons dire ce soir à Nicolas Sarkozy : vos politiques ont été une catastrophe pour l'égalité et pour toutes les femmes, françaises, immigrées, sans papier, réfugiées », a ainsi lancé Marie-France Casalis, porte-parole de l'association Collectif Féministe contre le viol, qui animait le débat. Puis, elle a passé au crible l’ensemble des mesures du président sortant qui ont selon les féministes fragilisé et précarisé la situation des femmes, comme la « loi sur l'égalité salariale de 2006 revue à la baisse en 2010 », le « manque de moyens pour la lutte contre les violences faites aux femmes et budgets des associations en baisse » ou encore la « réforme des retraites qui accroît les inégalités entre les pensions des hommes et des femmes ».
C’est ensuite Jean-Luc Mélenchon qui s’est présenté sur scène, rencontrant un vif succès auprès du public. « Ne pas parler des femmes, c’est refuser de parler d’exploitation des classes », a-t-il lancé, faisant valoir que ces deux « combats » étaient étroitement reliés. Interrogé sur la question de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le candidat du Front de Gauche a rappelé l’importance du « droit à l’information » dès l’école pour les femmes, avant de critiquer violemment les prises de position de Marine Le Pen et de dénoncer les « concepts méprisables » soutenus par le Front National comme l'« IVG de confort ». Sifflements d’approbations dans la salle. Il a ensuite réaffirmé une série de mesures qu’il comptait prendre en cas d’élection en mai : la mise en place d’un ministère du Droit des Femmes, le rétablissement de la retraite à 60 ans et à taux plein, la revalorisation de la filière des services à la personne où les femmes sont surreprésentées ou encore l’augmentation du SMIC.
Egalement invitée à répondre aux Féministes, Eva Joly a réaffirmé qu' « aujourd’hui, le féminisme est bien vivant ». Elle a assuré sa volonté de mettre en place « un ministère de l’égalité des hommes et des femmes », pour s' «attaquer » aux inégalités devant « la retraite, les rémunérations » ou encore « la représentation des femmes en politique ». « Une liste politique qui n’est pas égalitaire ne sera pas valable », assène-t-elle, avant de déclarer que les entreprises qui ne respecteront pas l’égalité salariale « seront privées de toute aide publique ». Interrogée sur la prostitution, la candidate écologiste a réaffirmé qu’elle était « très hostile à la loi qui fait des prostituées des délinquantes » mais qu’elle n’était pas pour la « criminalisation des clients ». Une position qu’elle a maintenue devant un public majoritairement en désaccord, avant de glisser « EELV n’a pas arrêté sa position sur ce débat ».
A 21h30, c’est enfin François Hollande qui succède sur scène à la candidate EELV. « Je ne suis pas né féministe, je le suis devenu », lance-t-il face au public, avant d’évoquer ses engagements en tant que candidat « face aux Français ». « Aux Françaises », corrige la salle, animée. A deux reprises, le candidat est coupé dans son intervention par des manifestantes faisant irruption dans la salle en scandant « DSK partout, justice nulle part ». Cela jette un froid, mais le député de Corrèze ne se démonte pas. « Je suis pour que le prochain gouvernement puisse présenter la parité », réaffirme-t-il, avant d’annoncer qu’il souhaite élargir cette parité « à toutes les instances dont (il) aur(a) à décider de la composition », comme le « Conseil constitutionnel et le Conseil supérieur de l’audiovisuel ». Il confirme par ailleurs que lui aussi mettra en place un ministère du Droit des femmes. Interrogé ensuite sur le manque de places dans les crèches, il souligne son engagement à développer les structures d’accueil pour la petite enfance. A la salle qui le siffle en exigeant de lui des engagements chiffrés, il répond ne pas pouvoir s'« engager financièrement sur ces objectifs ». Puis, le candidat socialiste aborde la question de la précarité des femmes, annonçant que les entreprises qui ont recourt abusivement à des temps partiels et CDD devront payer plus de cotisations de chômage et soulignant la nécessité de mettre en place des leviers de « dissuasion » mais également de « moraliser » le temps partiel. Il évoque enfin sa volonté de renégocier la réforme des retraites.
Sur la fin, François Hollande élargit le débat, appelant à ne pas « salir » la campagne par des polémiques insupportables, faisant allusion aux débats sur l’immigration ou le halal lancés par la droite. Pour conclure il appelle Yvette Roudy, ancienne ministre du Droit des femmes présente dans la salle à le rejoindre sur scène, puis ponctue son allocution en lançant au public : « où que je sois demain, vous saurez me retrouver ».
Philippe Poutou lui succède sur scène devant une salle qui se vide. Plutôt décontracté, le candidat du NPA annonce lui aussi sa volonté d’appliquer la loi sur la parité et se prononce pour le remboursement de l’IVG et l’allongement du délai légal pour se faire avorter. La soirée se finit sur les applaudissements des féministes, satisfaites d’avoir tourné le feu des projecteurs de la campagne sur la question des femmes. « Nous ne vous lâcherons pas, nous voulons l’égalité, maintenant ! », ont-elles prévenu.
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