Un "diagnostic genré". C'est ce qu'ont établi plusieurs adjoints de la maire de Paris Anne Hidalgo au sein du parc Suzanne Lenglen, dans le 15e arrondissement. L'idée ? Imaginer comment (ré)aménager cet espace vert dans les années à venir afin de le rendre plus égalitaire. En somme, qu'il garantisse par sa qualité de vie et ce qu'il propose la mixité de son public, et notamment la libre circulation des passantes. Et ce selon divers critères.
L'accessibilité des espaces bien sûr, mais aussi la présence d'éclairages (et leur localisation) face à la probabilité d'agressions de rue, ou encore la révision des stéréotypes de genre que de tels lieux perpétuent subtilement (par ce que représente leur signalisation par exemple). En somme, le diagnostic genré convoque aussi bien des éléments concrets que des analyses plus symboliques et sociologiques.
Ce rapport passe au crible l'expérience d'un lieu et sa fréquentation (elle aussi genrée), mais aussi les "pratiques sociales", qu'il implique, comme le définit Corinne Luxembourg, maîtresse de conférences en géographie à l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Paris la Villette, au site de la chaîne d'informations Cnews.
A CNews toujours, l'adjointe en charge de l'égalité hommes-femmes à la mairie de Paris Hélène Bidard explique le pourquoi de cette initiative : "L'espace public n'est pas neutre. Historiquement, il a été réalisé par et pour des hommes. Sauf que les hommes et les femmes ne vivent pas la ville de la même manière. L'aménagement fait que les hommes vont plutôt y rester tandis que les femmes ne seront invitées qu'à y passer. Et il n'y a pas de raison aujourd'hui que certains mètres carrés soient réservés dans leur usage uniquement aux hommes".
"L'idée n'est pas de construire contre les hommes, mais pour tous", développe encore l'experte des questions de genre, comme pour apaiser ou prévenir les critiques des internautes. A bon entendeur.
Construire des espaces pour tous, c'est encore, par exemple, faire le nécessaire pour que les passants puissent changer les couches de leurs enfants dans les toilettes des femmes, mais aussi dans les toilettes des hommes. "Des pères sont parfois en difficulté pour changer leurs bébés", assure la chercheuse Corinne Luxembourg. Ou bien, chercher à comprendre comment accompagner les femmes dans les salles de sport également, "surtout occupés par des clubs masculins", remarque Corinne Luxembourg auprès du site d'informations.
Là encore, la question de la mixité se pose. Mais plutôt que d'espaces mixes ou égalitaires, Hélène Bidard privilégie un autre intitulé : "Je préfère parler d'espaces "sécurisants", car ils bénéficient aussi bien aux femmes qu'aux enfants et aux hommes, qui, eux aussi, peuvent avoir peur", explique-t-elle.
Afin d'éveiller les consciences et de développer noir sur blanc ce projet, la Ville de Paris a d'ailleurs mis à disposition un document instructif, le Guide du Genre et de l'Espace public. S'y retrouvent tous les indicateurs pertinents à construire pour un environnement urbain égalitaire. Idéal pour avoir les bonnes questions à l'esprit.
Paris n'est pas la seule ville de France à repenser ses espaces en terme d'enjeux de genre, loin de là. A Lyon également, on gamberge. En ce mois de mars, la ville a effectivement annoncé la mise en place future d'un budget genré, consistant en une plus égalitaire gestion des finances, concernant de nombreux points.
Des initiatives qui ont pour but de faire bouger les lignes.